Accroître les moyens de la recherche publique

par
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Gérard Lasfargues professeur en médecine du travail
/ janvier 2013

La mise en examen récente de plusieurs personnalités dans le dossier de l'amiante est venue rappeler des temps, pas si anciens, où la France ne disposait pas encore d'outils puissants de veille sanitaire et d'expertise. Depuis, la création d'agences indépendantes a permis une meilleure structuration de la gouvernance des risques sanitaires, avec une séparation effective entre évaluation et gestion de ces risques. Néanmoins, les risques professionnels et environnementaux restent marqués par un manque de connaissances scientifiques, en décalage par rapport à l'attente sociétale particulièrement aiguë en matière de recherche publique indépendante. C'est le cas pour les expositions à des produits chimiques comme les pesticides, aux perturbateurs endocriniens ou aux nanomatériaux. La controverse récente sur les possibles effets à long terme des OGM et la capacité des études réglementaires actuelles à les prédire en est une nouvelle illustration. D'un côté, les études d'évaluation réglementaires sont financées par les industriels, qui doivent faire la preuve de l'innocuité des produits qu'ils mettent sur le marché européen. De l'autre, les travaux de la recherche publique, aux moyens plus limités, ne sont pas nécessairement orientés pour investiguer des effets sanitaires potentiels et fournir des résultats disponibles rapidement pour les autorités. Le débat de société sur ces enjeux de santé publique y gagnerait si, dans des situations de ce type, des moyens publics dédiés pouvaient être mobilisés par les agences pour mener des études d'envergure, en toute indépendance et dans des délais compatibles avec leurs travaux d'expertise. C'est ce que permet, par exemple, le National Toxicology Program, développé entre les organismes fédéraux américains de santé et sécurité sanitaire à partir de financements publics. Pouvoir développer un tel programme au niveau national ou européen et garantir aux agences les moyens d'exercer pleinement leurs fonctions d'expertise et de veille ne serait pas un luxe.