Amiante : vers un meilleur suivi postprofessionnel ?

par Ivan du Roy / juillet 2010

Face aux lacunes du dispositif actuel de suivi postprofessionnel des salariés exposés à l'amiante, la Haute Autorité de santé recommande de passer par un questionnaire et une visite médicale systématiques.

La Haute Autorité de santé (HAS) a publié en avril une liste de 33 recommandations pour améliorer le dispositif de suivi médical des salariés ayant été exposés à l'amiante. Mis en place au milieu des années 1990, ce dispositif est censé permettre aux salariés d'être pris en charge par la Sécurité sociale dès leur départ en retraite, pour surveiller d'éventuelles pathologies pulmonaires liées aux fibres d'amiante. Médecins du travail, pneumologues, radiologues et bénévoles de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), réunis au sein d'une commission, dressent le même constat d'échec. " Le dispositif ne fonctionne pas ", résume laconiquement François Romaneix, directeur de la HAS. En une décennie, à peine 5 000 personnes ont accédé à une consultation postprofessionnelle, soit moins de 10 % des demandeurs potentiels. Pourtant, un quart des retraités actuels du régime général et la moitié des artisans retraités seraient concernés par une exposition à l'amiante, selon l'Institut de veille sanitaire (InVS).

La HAS recommande donc de réorganiser ce suivi postprofessionnel. Elle conseille ainsi de rendre systématique une visite médicale de fin de carrière pour établir un relevé des éventuelles expositions à l'amiante et aux autres cancérogènes. A la place des attestations d'exposition, auparavant nécessaires mais que les employeurs " oubliaient " de signer, un questionnaire serait envoyé à tous les nouveaux retraités. Ceux susceptibles d'avoir été exposés à l'amiante se verraient proposer un rendez-vous pour évaluer cette exposition. En fonction de ses conclusions et si le salarié le souhaite, il entrerait dans le dispositif de suivi. La radiographie pulmonaire serait abandonnée au profit du scanner thoracique, qui deviendrait l'examen de référence, avec un rythme d'un examen tous les cinq ans pour les expositions " fortes " et tous les dix ans pour celles " intermédiaires ".

" Bons interlocuteurs ".

La HAS recommande que le dispositif soit coordonné au niveau régional. Outre la prise en charge des examens par la Sécu, ce suivi devrait faciliter le lien entre le médecin du travail et le généraliste et permettre aux salariés d'accéder aux " bons interlocuteurs ". Plutôt que de se retrouver isolé et mal informé, chacun bénéficierait " d'un accompagnement pour la déclaration de maladie professionnelle et d'un accompagnement psychologique pour les personnes découvrant leur pathologie ", ajoute Michel Parigot, porte-parole de l'Andeva. C'est d'ailleurs la première fois que la HAS recommande un suivi médical, alors qu'" il n'y a pas de bénéfice médical démontré ", mais un bénéfice social et un " droit du sujet exposé à l'amiante de connaître son état de santé "

Reste à savoir ce que fera le ministère de la Santé de ces recommandations. Sa direction de la Sécurité sociale, de même que la direction des Risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam-TS) sont très remontées contre les conclusions de la HAS. Elles craignent que le dispositif proposé ne serve qu'à alimenter la reconnaissance de nouvelles maladies professionnelles dues à l'amiante.