" Le cabinet médical devient le seul lieu de parole "

par Joseph Marc / juillet 2012

Du fait d'une organisation jugée floue, les services de santé au travail de La Poste n'ont toujours pas reçu leur agrément, alors qu'ils sont de plus en plus sollicités par les salariés. Explications d'un médecin-inspecteur régional1

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    Ce médecin-inspecteur a préféré rester anonyme, compte tenu des enjeux autour de l'agrément des services.

Pour quelles raisons l'Inspection médicale du travail est-elle dans l'incapacité de se prononcer sur l'agrément des services de santé au travail de La Poste ?

Des questions restent en suspens sur la multiplicité des structures, sur la mise à disposition des médecins du travail et des locaux, sur l'organisation de la pluridisciplinarité... Le dispositif actuel amène les médecins du travail à intervenir sur plusieurs services et à suivre, parallèlement, un effectif restreint de salariés pour chacune de ces structures. Avec un tel éparpillement, les praticiens estiment avoir une vision parcellaire des risques et des problématiques de santé. Il leur est donc difficile de passer de l'analyse individuelle à l'analyse collective et organisationnelle. Ils perdent alors toute possibilité d'agir en prévention primaire et d'alerter, si besoin, l'employeur sur une organisation leur paraissant délétère.

Comment analysez-vous l'évolution des conditions de travail à La Poste ?

Les salariés vivent les réorganisations comme une course à la productivité. Lorsque le chronomètre rythme le travail et que des temps standard s'imposent, comme l'explique un rapport d'expertise, les contraintes physiques et psychiques apparaissent. En particulier, l'angoisse du non-respect des délais. L'apparition d'une évaluation et d'objectifs individualisés fait progressivement disparaître les solidarités salariales. Cela conduit à l'isolement des salariés. Les médecins du travail constatent une augmentation constante des visites médicales demandées par les personnels. Le cabinet médical devient le seul lieu de parole. Les solutions immédiates sont, bien évidemment, d'aménager les conditions de travail, et il semble que le groupe s'y attelle. Mais les solutions durables doivent être plus ambitieuses. L'expression des salariés doit être organisée. Il est urgent que les différents niveaux de logique puissent se confronter.