Pour la CGT, le droit d'expertise du CHSCT n'est pas assez utilisé

par Rozenn Le Saint / juillet 2017

Le droit d'expertise occupe une place encore trop limitée dans la boîte à outils des élus CHSCT pour améliorer les conditions de travail. C'est le constat émis lors d'une journée organisée par la CGT, visant à en développer l'usage.

Les représentants du personnel au CHSCT n'ont pas souvent le réflexe "cabinets d'expertise". Or ceux-ci peuvent les aider à mener à bien des batailles pour prévenir les risques professionnels. C'est le message principal qui a été porté lors de la journée d'étude intitulée "L'expertise CHSCT au service du pouvoir d'agir des travailleuses et travailleurs", organisée le 15 juin par la CGT. Alain Delaunay, représentant de la confédération syndicale au Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct), a d'abord dressé un état des lieux du recours à l'expertise par les CHSCT.

Premier constat : "il est sous-utilisé", assure-t-il. Mais avec de vraies disparités sur le territoire. L'Ile-de-France concentre 45 % des demandes d'expertise, la région Rhône-Alpes seulement 9,8 %, celle de Provence-Alpes-Côte d'Azur 5 %, et les autres moins encore. Par ailleurs, les CHSCT des grandes entreprises requièrent plus facilement des expertises, proportionnellement à ceux des petites, pourtant plus nombreuses. Or, selon Paula Cristofalo, sociologue du travail et auteure d'une thèse sur le syndicalisme et l'expertise, face à une restructuration, par exemple, "la combinaison entre l'expertise économique qui se fait dans les comités d'entreprise et celle des risques psychosociaux réalisée dans les CHSCT aboutit à diminuer le coût social pour les salariés restés dans l'entreprise".

Comment faire le bon choix

Dans l'assemblée, constituée d'élus CHSCT du secteur privé, les questions se sont concentrées sur un frein au recours à l'expertise : la crainte qu'elle ne soit instrumentalisée par la direction. Pour l'éviter, le choix du cabinet, parmi les 108 agréés par le ministère du Travail, est essentiel. Mais pas évident à réaliser, surtout dans l'urgence. "Nous conseillons aux représentants CHSCT d'appeler les fédérations pour demander conseil quant au choix du cabinet, crucial", préconise Alain Delaunay.

Des représentants du personnel ont témoigné de leur usage de l'expertise, comme Marc Lecomte, militant CGT à la SNCF. Ce dernier a raconté comment son CHSCT avait saisi un expert en 2012 afin d'appuyer le refus de cheminots de dormir dans une résidence mise à disposition par la direction. Des problèmes de plomberie rendaient en effet le foyer inhabitable. De 2009 à 2011, sept alertes avaient été déclenchées par le CHSCT, sans résultat.

"Nous nous en sommes servi comme d'un outil, précise Marc Lecomte à propos de l'expertise. L'idée n'est pas de tout déléguer aux experts, ni de les laisser seuls dans leur coin. Nous leur avons montré les lieux où gratter." Alors qu'il s'attendait à ce que le cabinet produise un mode d'emploi pour éviter la pollution du réseau sanitaire, les experts ont pointé des problèmes de management et d'organisation, empêchant toute prise de décision sur l'entretien et la réfection du foyer. "Nous avons retenu que si une telle analyse de l'organisation du travail ressortait d'un malheureux problème de plomberie, il était intéressant de solliciter les cabinets d'experts sur d'autres sujets", conclut-il. Et notamment de plus graves. Comme la catastrophe ferroviaire survenue à Brétigny-sur-Orge (Essonne) en 2013, dont une expertise CHSCT a permis de révéler les causes organisationnelles.