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Ce travail qui plombe le sommeil

par François Desriaux / juillet 2015

Dis-moi comment tu dors et je te dirai comment est ton travail... Il est maintenant bien établi que la plupart des contraintes physiques et psychiques de travail peuvent avoir une influence néfaste sur le sommeil, en termes de durée et de qualité. Il y a bien sûr le travail en horaires alternants, de nuit, et les longues journées. Mais pas seulement. L'insatisfaction dans son travail, le travail répétitif sous pression temporelle, la difficulté à concilier vie professionnelle et vie personnelle ou encore les efforts physiques lourds vont venir perturber le sommeil. Et c'est encore plus net avec le fait de devoir effectuer des choses que l'on désapprouve. Or ces troubles du sommeil ne sont pas bons pour la santé. Les mécanismes inflammatoires qu'ils déclenchent peuvent déboucher à la longue sur des pathologies chroniques lourdes. Ce n'est pas rien, surtout avec une population de travailleurs âgés qui augmente du fait du recul de l'âge de la retraite. S'inquiéter des troubles du sommeil chez les salariés quand on est médecin du travail ou élu de CHSCT n'est donc pas superflu. C'est même une façon de garder les yeux grands ouverts sur la santé au travail.

Chez Avery-Dennison, la micro-sieste fait recette

par Anne-Marie Boulet / juillet 2015

A Bourg-de-Thizy, la direction de l'usine Avery-Dennison a mis en place une salle de repos afin de permettre aux salariés de faire une courte sieste. Une mesure destinée à réduire la fatigue générée par les horaires postés auxquels ils sont exposés.

En 2009, le médecin du travail a avancé l'idée d'installer une salle de repos comme un des remèdes aux problèmes de fatigue rencontrés par nos salariés qui travaillent en équipes. J'avoue que ma première réaction a été : une entreprise, c'est fait pour travailler, pas pour dormir." Pour Didier François-Pierre, directeur d'établissement de l'usine Avery-Dennison de Bourg-de-Thizy (Rhône), offrir la possibilité à ses employés de recourir à une micro-sieste n'allait pas de soi. Il a néanmoins pris au sérieux la recommandation du médecin du travail. "Nous avons enquêté sur Internet et trouvé que ce système de micro-sieste se pratiquait dans les pays d'Europe du Nord", raconte-t-il. Discutée en comité d'entreprise et en CHSCT, comme le confirme Catherine Vaginay, secrétaire de ce dernier, l'idée a finalement été retenue.

Cette usine, autrefois textile, est entrée en 1986 dans le giron d'un groupe américain, Avery-Dennison, et emploie 57 personnes. Spécialisée dans la production de films et papiers autoadhésifs, elle fabrique de petites séries qui, une fois passées par des imprimeries, seront utilisées dans l'industrie automobile, le secteur électroménager, l'industrie pharmaceutique, mais aussi, parfois, pour des vins de grands crus ou spiritueux. Une production assurée en continu par des salariés répartis en équipes de jour et de nuit.

Alléger la pénibilité

Avant d'adopter la micro-sieste, différents horaires en travail posté ont aussi été expérimentés, en consultant les salariés et leurs représentants, afin d'en alléger les effets sur le sommeil et la santé. En 2011, le rythme suivant a été arrêté : les équipes de nuit et celles du week-end sont fixes et formées sur la base du volontariat ; les autres opérateurs font une semaine en équipe du matin, puis la suivante en équipe de l'après-midi. L'équipe du matin commence à 5 heures les deux premiers jours, puis à 6 heures les autres jours. Cela afin de réduire - autre recommandation de la médecine du travail - les débuts de journée à 5 heures, particulièrement pénalisants pour les rythmes biologiques. "La semaine du matin, à 20 ans, je ne la craignais pas. Maintenant, c'est la hantise", confie Christophe, un salarié de 41 ans. "Le travail de l'équipe du matin débutant vers 5 heures est aussi pénible que le travail de nuit. Avec le temps, on arrive toujours à des dérèglements sur le plan de la santé", constate de son côté le médecin du travail désormais en charge du site, le Dr Aldo Marcuccilli, du service interentreprises de Loire-Nord.

L'alternance matin/après-midi a été plébiscitée parce que "de tous les types d'horaires postés, c'est celui qui passe le mieux", affirment les salariés rencontrés. Pour tenir quand il est du matin, Christophe consomme du café et utilise la salle de repos, en faisant au besoin une micro-sieste. Quitte, parfois, à sauter la pause casse-croûte. Car la salle n'est accessible que pendant la demi-heure de pause déjeuner. Dans cette pièce, contiguë à celle des repas, une petite minuterie est à disposition de ceux qui auraient peur d'oublier l'heure. "On a le temps de grignoter un peu et de se relaxer. Le fait de s'allonger permet de se relâcher complètement", témoigne un utilisateur. Equipée de trois fauteuils médicaux avec pieds surélevés, la salle de repos fait recette. "La micro-sieste peut être tout à fait réparatrice, assure le Dr Marcuccilli. A condition qu'elle ne dépasse pas un quart d'heure ou 20 minutes, pour ne pas tomber dans un sommeil profond."