Le CHSCT se dissout dans la DUP

par Rozenn Le Saint / 02 mars 2015

Dans l’actualité de cette fin du mois de février, d’un côté, le gouvernement a présenté l’esquisse de sa réforme du dialogue social ; de l’autre, un syndicat de magistrats l’a interpellé pour briser le tabou des conditions de travail des juges.

Le 25 février, le Premier ministre, Manuel Valls, a livré aux partenaires sociaux réunis à Matignon les grandes lignes de sa réforme visant à simplifier le dialogue social, après l’échec des négociations interprofessionnelles sur ce thème, à la mi-janvier.  On se souvient que c’est notamment la question du devenir du CHSCT qui avait cristallisé les désaccords entre patronat et syndicats. Le Medef souhaitait la fusion des instances représentatives du personnel – comité d’entreprise (CE), délégués du personnel (DP) et CHSCT – en un conseil d’entreprise, mais les organisations syndicales estimaient que la nouvelle instance ne disposait pas des moyens suffisants pour assurer les missions du CHSCT.

La marge de manœuvre du gouvernement était donc faible et le Premier ministre s’est appliqué à donner des gages aux uns et aux autres.

Dans le sens du Medef

En annonçant l’extension de la délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de moins de 300 salariés (contre 200 aujourd’hui) d’une part et au CHSCT d’autre part (alors qu’aujourd’hui la DUP ne regroupe que les fonctions du CE et des DP), il va dans le sens souhaité par le Medef. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, Manuel Valls propose la possibilité d’un regroupement des instances par accord collectif, voire l’instauration d’une instance unique qui « serait alors compétente sur les questions individuelles, économiques, sociales, ainsi que sur les questions  d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, avec les moyens et les prérogatives qui les accompagnent », a indiqué le Premier ministre.

La CGT et FO très critiques

En précisant que les compétences du CHSCT, comme la possibilité d’ester en justice ou de nommer des experts indépendants sur la mesure des conditions de travail, seraient conservées et récupérées par la DUP, Manuel Valls a rassuré les syndicats réformistes, notamment la CFE-CGC, qui avait fait de ces questions un point incontournable. Résultat, seules la CGT et FO se sont montrées très critiques sur les intentions du gouvernement, les autres organisations syndicales et patronales se disant plutôt satisfaites.

Questions à trancher

Mais les difficultés ont probablement été repoussées à plus tard, car ces annonces soulèvent beaucoup de questions qui devront être tranchées avant la présentation d’un projet de loi qui serait adopté en Conseil des ministres fin mars ou début avril, avant un passage devant le Parlement avant l’été.

Ainsi, on peut déjà prédire que le nombre des élus et celui des heures de délégation de la future DUP seront au centre des concertations des prochaines semaines entre le ministre du Travail et les partenaires sociaux.

Le mal-être des magistrats

Les professionnels du droit ne sont pas à l’abri du fait que leurs propres droits ne soient pas respectés. C’est ce que dénonce le livre blanc sur la souffrance au travail réalisé par l’Union syndicale des magistrats (USM) et rendu le 19 février à la Chancellerie. Sur la base de témoignages, les magistrats dénoncent les causes de leur mal-être : le sous-effectif et la surcharge de travail et un management inadapté, avec plusieurs cas de harcèlement moral recensés.

A titre d’exemple, une juge, atteinte d’un cancer, raconte avoir été accueillie par les hurlements du procureur général lui reprochant « une allure de spectre » et exigeant qu’elle soit « souriante en entrant dans son bureau ». Le rapport souligne aussi des problèmes liés à l’organisation du travail, tels que le refus des temps partiels. Il révèle également que 86,2 % des parquetiers travaillant le week-end sur le traitement en temps réel ne prennent pas de repos compensateur en raison des contraintes de service.

Davantage de formation

Le syndicat réclame que les six axes d’action établis fin 2013 à l’issue des travaux du groupe pour prévenir les risques psychosociaux créé en mai 2010 soient mis en place d’ici à la fin de l’année 2015, comme la ministre de la Justice s’y était engagée. L’USM exige aussi une meilleure formation de la hiérarchie et le respect du droit à la formation de l’ensemble des magistrats, qui ne peuvent l’utiliser, faute de temps, ainsi que des créations de postes.

Bientôt un Numéro Vert

Ce à quoi Christiane Taubira a répondu, dans un communiqué, qu’elle avait chargé l’Ecole nationale de la magistrature d’aborder la souffrance au travail dans la formation de juridiction. Elle a annoncé la possibilité d’un accompagnement psychologique des magistrats, notamment via « un Numéro Vert auquel répondront des psychologues spécialisés [qui] va être mis en service ». Enfin, elle rappelle avoir « obtenu le recrutement de 114 magistrats supplémentaires en 2015, donnant lieu pour l’an prochain à une promotion record de 360 auditeurs de justice (et 114 greffiers sur un total de 950 nouveaux emplois) ».

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