Clap de fin pour le CHSCT ?

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François Desriaux rédacteur en chef
/ juillet 2017

Fidèle à la promesse de campagne du nouveau président de la République, le gouvernement prévoit de fusionner dans le secteur privé les instances représentatives du personnel : comité d'entreprise, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et délégués du personnel. La mesure figure en toutes lettres dans le projet de loi d'habilitation autorisant l'exécutif à procéder par ordonnance pour modifier le Code du travail, projet présenté et adopté au Conseil des ministres du 28 juin.

Ainsi, c'est peut-être l'une des dernières fois où nous nous adressons au CHSCT, instance que nous avons vue grandir depuis sa création par les lois Auroux en 1982, avec Les cahiers de la Mutualité dans l'entreprise d'abord, puis avec Santé & Travail. Nous avons accompagné son développement, encouragé son émancipation, aidé - modestement - à ce qu'elle devienne un acteur incontournable de la prévention des risques professionnels, doté de pouvoirs conséquents. Cette place de premier ordre dans le paysage des relations sociales de l'entreprise, le CHSCT la doit à la dégradation des conditions de travail, à la montée en puissance des questions de santé liées à l'organisation du travail, avec l'explosion des troubles musculo-squelettiques et des risques psychosociaux. Et à la grande difficulté des entreprises et des pouvoirs publics à inverser la courbe. Le CHSCT cristallise donc les tensions du monde du travail, et ce n'est pas pour rien qu'il est devenu la bête noire d'une partie du patronat.

Pourquoi la fusion des instances est-elle une très mauvaise mesure pour la santé au travail, alors que l'article 2 du projet de loi d'habilitation affirme vouloir renforcer les prérogatives des représentants du personnel ?

Tout d'abord parce que, au-delà de la simple fusion, ce même article 2 annonce la couleur : les attributions, les délais d'information-consultation, les modalités du recours à l'expertise de cette future instance unique vont être redéfinis. Alors que le maître mot employé tant par le gouvernement que par les porte-parole d'En marche ! est la "libération du travail", tout le monde a bien compris qu'il s'agit en fait de libérer les entreprises. Et qu'il n'est pas question de donner davantage de pouvoirs aux représentants du personnel, comme celui de s'opposer à une réorganisation risquant de mettre en jeu les conditions de travail et la santé des salariés. Ensuite parce que ce qui est recherché et demandé par le patronat, c'est la rationalisation des moyens accordés aux élus. De la délégation unique du personnel étendue aux entreprises de moins de 300 salariés par la loi El Khomri d'août 2016, on a surtout retenu qu'elle avait permis d'"économiser" et sur le nombre d'élus, et sur celui des heures de délégation. Enfin, par-dessus tout, parce que tous les experts que nous avons consultés, ou encore le rapport Verkindt publié à l'occasion des 30 ans du CHSCT, aboutissent tous à la même conclusion : la fusion des instances, c'est la dissolution de la question du travail dans les questions économiques, salariales et de gestion des oeuvres sociales. Le contraire de ce qu'il conviendrait de mettre en oeuvre pour résoudre la crise du travail... et sans doute aussi celle de l'emploi.