Un collège d'experts pour les risques psychosociaux

par Camille Charles / juillet 2009

Le rapport Légeron-Nasse1 , remis en mars 2008, a préconisé l'élaboration d'un " indicateur global " des risques psychosociaux. Pour ce faire, un collège d'experts a été créé. Point d'étape avec son coordonnateur, le sociologue Michel Gollac.

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    Voir Santé & Travail n° 63, juillet 2008, page 16.

Sur un thème aussi sensible que les risques psychosociaux, comment la composition du collège d'experts constitué à la suite du rapport Légeron-Nasse a-t-elle été équilibrée ?

Michel Gollac : Le collège comprend des économistes, des ergonomes, des épidémiologistes, un chercheur en gestion, des chercheurs en médecine du travail, des psychologues et psychiatres, des sociologues et des statisticiens. Les membres du collège ont été choisis sur la base de leur reconnaissance scientifique et notamment d'indicateurs objectifs comme les publications, les citations ou les responsabilités exercées. En outre, différentes orientations sont représentées dans chaque discipline, même s'il est impossible que tous les courants soient présents. Cette composition rend les débats animés et constructifs.

Quelle est la mission de ce collège d'experts ?

M. G. : Le collège a pour mission de préciser ce qui doit être mesuré pour apprécier le niveau des risques psychosociaux au travail. Mais il n'y a pas de définition universellement reçue de ceux-ci, ce qui impose donc un examen assez large pour cerner ce qui est réellement pertinent scientifiquement. Ces facteurs comprennent des caractéristiques intrinsèques des professions et aussi des facteurs de risque organisationnels, y compris les technologies. Le risque de chômage, les chances d'évolution et de développement, les expériences passées marquantes sont également à prendre en compte. Le statut des traits de personnalité fait davantage débat, mais on ne peut les rejeter sans examen.

Les différents instruments de mesure des risques psychosociaux déjà existants (enquêtes Sumer, SIP, Samotrace...) sont-ils assez pertinents et fiables pour qu'un indicateur global résulte de leur compilation ?

M. G. : Nous avons examiné les enquêtes existantes. Après éventuellement une période de rodage, elles produisent des données précieuses, que nous savons interpréter, même si elles nécessitent un mode d'emploi. Néanmoins, leurs versions actuelles ne répondent pas entièrement aux besoins de suivi des risques psychosociaux. Une enquête nouvelle ou une évolution importante d'une enquête existante sera donc probablement nécessaire. En effet, d'une part, certaines dimensions sont insuffisamment explorées. D'autre part, les variables mesurées n'ont pas été sélectionnées dans l'optique d'une synthèse ; or les décideurs ont besoin d'une batterie d'indicateurs aussi limités que possible en nombre, ce qui ne veut pas dire qu'il sera possible de bâtir un indicateur unique scientifiquement pertinent.

Quelles sont les prochaines étapes des travaux du collège ?

M. G. : Le collège va poursuivre l'examen des indicateurs validés utilisés au niveau international. Plus généralement, il va approfondir l'exploration de la bibliographie sur les facteurs de risques psychosociaux au travail. Ce n'est pas facile, parce que celle-ci est dans certaines disciplines, comme l'épidémiologie, très riche, et dans d'autres, comme la sociologie, très dispersée. Le collège va auditionner des experts extérieurs. Nous allons aussi approfondir notre réflexion sur les questions de fond, débattre entre nous : ces débats sont nécessaires pour arriver à des indicateurs qui puissent être reconnus par tous.