Conduire, un risque professionnel

par Martine Rossard / juillet 2009

La conduite constitue un risque professionnel pour les 1,3 million de salariés appelés à utiliser un véhicule. La prévention ne s'arrête pas au respect du Code de la route : elle passe également par l'organisation du travail.

Pas moins de 142 décès, 20 837 accidents ayant entraîné un arrêt de travail, environ 1,5 million de journées de travail perdues. Le bilan 2007 des accidents de la route survenus lors de déplacements professionnels s'avère lourd, très lourd ! Selon les statistiques de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), ils représentent 20 % des accidents du travail mortels et en sont la première cause.

Le risque routier en mission concerne 1,3 million de salariés, qui conduisent plus de 20 heures par semaine dans un cadre professionnel. Parmi eux, des conducteurs sans permis poids lourds, mis au volant de véhicules utilitaires " légers " mais dépassant les 3,6 tonnes de charge.

La conduite en mission n'est pourtant pas toujours appréhendée comme une activité de travail. " D'ailleurs, le risque routier figure rarement dans le document unique d'évaluation des risques professionnels ", déplore Michel Berthet, de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Le dossier " Conduire pour le travail ", consultable sur le site www.inrs.fr, rappelle donc aux entreprises qu'il faut évaluer ce risque et élaborer un plan d'action définissant les mesures de prévention appropriées aux risques identifiés : accidents de la circulation, vibrations, bruit, stress... " Il est nécessaire de sensibiliser, associer et impliquer tous les salariés exposés, notamment dans les étapes initiales de la démarche, l'état des lieux et l'analyse des déplacements (planification, organisation) ", peut-on lire.

Pour élaborer une politique de prévention, il faut analyser l'activité réelle et non l'activité prescrite des conducteurs ", souligne pour sa part Pascal Etienne, chef du bureau des équipements et lieux de travail au ministère du Travail. Avant d'insister sur la nécessité de veiller à l'entretien et à l'aménagement des véhicules ainsi qu'à la formation à la conduite.

Tensions entre Codes. L'organisation du travail constitue l'approche choisie par les experts du groupe Acat (" Activité de conduite, activité de travail ") pour prévenir les accidents routiers du travail. " Les tensions entre le Code de la route et le Code du travail peuvent se régler par une organisation du travail dont l'efficacité permet de respecter les règles de la sécurité routière ", assure François Hubault, responsable scientifique du groupe et directeur du département ergonomie et écologie humaine de l'université Paris 1.

Concrètement, le commercial ou le technicien avec une tournée trop chargée peut être tenté de jouer sur la vitesse, l'itinéraire, les communications par portable, la réflexion sur ses dossiers pour compenser retards ou embouteillages... " Cette mobilisation cognitive colonise l'activité de conduite et nuit à la prévention des accidents routiers ", a indiqué Michel Berthet lors d'un colloque organisé sur ce thème par l'Acat, le 18 juin dernier. Animé par des intervenants de l'INRS, de la Mutualité sociale agricole, de la Cnam, de la direction générale du Travail et de l'université Paris 1, ce séminaire a réuni quelque 150 participants et a permis des échanges entre chercheurs et préventeurs. Lors de son intervention de clôture, le directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle, a invité les entreprises à mettre les plans de déplacements d'entreprise " en phase " avec les objectifs de développement durable.