Le débat sur la loi El Khomri continue

par Clotilde de Gastines / 12 avril 2016

La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a amendé à la marge le contenu du projet de loi El Khomri sur l’expertise CHSCT et la médecine du travail. Non sans susciter des réactions.

L’examen du projet de loi Travail par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale s’est clôt jeudi soir. Avant sa mise au débat en séance publique du 3 au 12 mai. Les travaux de la commission ont accouché d’une nouvelle version, qui intègre une majorité des amendements déposés par le député socialiste Christophe Sirugue, rapporteur du texte. Notamment pour les deux articles concernant les expertises CHSCT (article 17) et la médecine du travail (article 44).

L’article 17 éclaircit le mode de financement des expertises votées par le CHSCT, suite à un avis du Conseil constitutionnel invalidant les modalités précédentes (voir notre article), et précise les délais de contestation de l’employeur avant et après l’expertise. L’employeur aura désormais un délai de 15 jours pour contester la nécessité de l’expertise et un délai identique concernant la dénonciation du coût de cette dernière, à réception de la facture et une fois l’expertise terminée.

« Cela ne va pas dans le sens de la simplification »

Dominique Lanoë, président du syndicat des experts agréés CHSCT (SEA-CHSCT), est très dubitatif sur l’introduction d’une contestation du coût prévisionnel de l’expertise. « Cela conduit à la possibilité d’une succession de contentieux, alors qu’aucune autre forme d’expertise n’est exposée à cette double peine. Cela ne va pas dans le sens de la simplification », dit-il avec une pointe d’ironie. Ceux qui plaidaient pour faire financer l’expertise par le comité d’entreprise voient dans cette possibilité de contestation un moyen de mettre fin à « une dérive financière ». Ce que réfute Carole Taudière, du cabinet Syndex, dans le dernier numéro de Santé & Travail. Selon elle, les honoraires des experts CHSCT restent « très inférieurs aux coûts des conseils aux directions d’entreprises ».

Si l’article 17 a donné lieu au dépôt de dix amendements seulement, l’article 44 en a suscité une cinquantaine. En un seul article, c’est toute la médecine du travail qui est réformée (voir notre article). Les vingt amendements finalement adoptés ont tous été présentés par le rapporteur sauf un, porté par le député PS frondeur Gérard Sébaoun, médecin du travail dans le civil. Il concerne la délivrance d’une attestation, en lieu et place de l’avis d’aptitude, à la suite de la visite d’information et de prévention désormais effectuée lors de l’embauche.

« J’ai voulu supprimer la question du tiers »

Celle-ci remplacera la visite d’aptitude pour la plupart des salariés et sera un « entretien d’information dans lequel on insiste sur le droit du salarié à aller consulter le médecin », précise le député. Il regrette néanmoins le maintien de la visite d’aptitude pour les postes à risques et ceux dits de sécurité, pour lesquels le médecin du travail sera censé éviter tout risque pour des tiers et non plus seulement pour les salariés. « J’ai voulu supprimer la question du tiers, assure Gérard Sébaoun. Mais mes amendements ont été retoqués. J’y reviendrai en séance, pour poser la question à la ministre. » La commission des Affaires sociales a également entériné l’instruction des recours contre les avis d’inaptitude, non plus par l’Inspection du travail, mais par les prud’hommes.

A la reprise des débats, en mai, le député compte représenter plusieurs amendements, notamment pour obliger l’employeur à répondre au médecin du travail, lorsque ce dernier constate que deux salariés ou plus rencontrent les mêmes difficultés, et à inscrire le sujet à l’ordre du jour du CHSCT. Il réfléchit également avec la ministre de la Santé, Marisol Touraine, à revaloriser la filière de médecine du travail.

 

LE SYSTEME COMPLÉMENTAIRE RÉFORMÉ EN DOUCE

Rédigé en toute discrétion, un décret va réformer le fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP). Les délais d'instruction seraient allongés et le médecin serait chargé de remplir le document Cerfa de déclaration de maladie à caractère professionnel, en lieu et place du salarié. De quoi décourager les victimes de faire valoir leurs droits. Dans un courrier adressé aux ministres du Travail et de la Santé, la Fnath (Association des accidentés de la vie) et l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) dénoncent l’absence de concertation.