Décision dangereuse

par
© Gérard Monico/FNMF © Gérard Monico/FNMF
Michel Lallier syndicaliste
/ avril 2010

Etonnante décision du tribunal des affaires de Sécurité sociale de Tours, qui vient de débouter les ayants droit de Dominique P. de leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable d'EDF pour le suicide de leur père. Ce dernier, qui souffrait d'une grave dépression, s'est suicidé le 21 août 2004 en se jetant sous un train. La caisse primaire d'assurance maladie a reconnu et confirmé à plusieurs reprises - du fait des nombreux recours d'EDF - l'origine professionnelle de la dépression et du suicide de ce salarié.

S'agissant de la faute inexcusable, il est bien difficile de trouver un dossier plus exemplaire de la passivité de l'employeur devant les alertes formulées par le médecin du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les salariés eux-mêmes sur les difficultés du travail dans le service de Dominique P. Comment qualifier autrement l'attitude de l'employeur, dès lors qu'était porté à sa connaissance " un risque important de décompensation dépressive, voire de violence contre soi-même " ?

Les juges de Tours ont estimé que de telles alertes, qui portaient sur les salariés dans leur ensemble et non sur la victime elle-même, ne caractérisaient pas le fait que l'employeur avait connaissance du danger auquel était soumis personnellement Dominique P. Un tel raisonnement aurait conduit les magistrats de la Cour de cassation à ne reconnaître aucune faute inexcusable en faveur des victimes de l'amiante !

Plus grave encore, avec une telle vision, il serait impossible de faire de la prévention fondée sur un système de veille ou d'alertes médicales collectives. Sauf à énoncer des restrictions d'aptitude pour tous les salariés concernés. Faut-il croire qu'après la mise en avant des " prédispositions génétiques " pour les expositions aux cancérogènes, certains envisagent de nous refaire le coup avec les " facteurs personnels " pour les risques psychosociaux ?