Désamiantage : Tour Montparnasse, 40 ans et des poussières

par John Sutton / octobre 2013

Cet été, 500 salariés ont été évacués de la tour Montparnasse suite à un dépassement du seuil d'amiante dans l'air. Cet incident relance le débat sur les travaux de retrait du matériau cancérogène, sans cesse repoussés.

La tour Montparnasse a célébré ses 40 ans le 12 septembre dernier. 210 mètres de haut, 58 étages, 150 000 tonnes... Les dimensions du bâtiment donnent le vertige. Mais la prouesse architecturale a son revers : l'amiante a été largement utilisé à l'époque de sa construction, de 1969 à 1973. "Très tôt, nous avons été confrontés au problème des flocages. On savait que ce produit rempli d'amiante était dangereux. Mais on a continué à travailler", témoigne Jean-Paul Lopez, ancien chef de chantier sur l'ensemble immobilier de la tour Maine-Montparnasse (EITMM).

La première alerte est lancée en 1995 par le Comité anti-amiante Jussieu (Caaj), qui inscrit la tour sur une liste de 150 bâtiments à usage collectif contaminés. Il faudra attendre 2003 pour que débutent les repérages pour les travaux de désamiantage... à toute petite vitesse. Dix ans après, ces travaux ne sont toujours pas achevés. Les propriétaires, visiblement peu pressés, ont obtenu de la préfecture des prorogations de délais à deux reprises, repoussant les échéances à 2009, puis à 2012. Pour Michel Parigot, président du Caaj, "les propriétaires ont tiré sur la corde pour ne pas faire ce qu'il y avait à faire. La préfecture a laissé faire et n'a pas réalisé non plus les contrôles qu'elle aurait dû effectuer sur cet immeuble".

"Omerta"

Le débat a été relancé de plus belle cet été, après l'évacuation le 27 juin de 500 employés d'Amundi, une filiale du Crédit agricole, suite à un dépassement important du seuil réglementaire de 5 fibres d'amiante par litre d'air. Le même jour, l'assureur CNP transférait une trentaine de salariés sur un autre site. "Il y a eu un déclic : dans cette tour, on était un peu dans une situation d'omerta, dans laquelle on dit aux gens qu'il n'y a pas de danger, estime Alain Bobbio, secrétaire de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva). L'évacuation de plusieurs centaines de personnes d'un coup a obligé tous les acteurs à se poser la question : "Avons-nous bien pris la mesure du problème ?"."

La préfecture de Paris a publié le 13 août un arrêté ordonnant aux copropriétaires de la tour Montparnasse de mener une expertise pour connaître l'origine de ces contaminations et de prendre des mesures pour les faire cesser. Les résultats de cette expertise devraient être connus vers la fin de l'année. Mais cette fois, l'arrêté du préfet subordonne la réintégration dans les locaux aux résultats de l'expertise et aux mesures de prévention qui en découleront. "Il aurait été plus sage d'évacuer complètement la tour pour réaliser les travaux de désamiantage dans de bonnes conditions et plus rapidement, considère Alain Bobbio. Dans le secteur tertiaire, un transfert provisoire des employés dans d'autres locaux n'est pas difficile à organiser."