Deux modèles pour identifier les risques psychosociaux

par Michel Vézina médecin-conseil à l'Institut national de santé publique du Québec et professeur au département de médecine sociale et préventive de l'université Laval à Québec. / juillet 2008

Quels sont les facteurs de risques psychosociaux pouvant être identifiés à l'occasion de l'élaboration du document unique d'évaluation des risques ? Il n'existe pas de liste toute faite pour répondre à cette question. Il est néanmoins avéré que certaines dimensions psychologiques ou sociales de l'environnement de travail peuvent avoir un effet pathogène pour les travailleurs qui y sont exposés. Et il est important que l'évaluation des risques les prenne en compte.

Deux modèles de risques psychosociaux sont reconnus universellement aujourd'hui, en raison de leur apport dans la production de connaissances scientifiques sur le lien entre certains phénomènes sociaux et psychologiques au travail et le développement de plusieurs maladies. Il s'agit des modèles dits "de Karasek" et "de Siegrist". Le premier analyse la combinaison de trois aspects du travail : la demande, l'autonomie, le soutien. Le second traite du déséquilibre entre effort et reconnaissance.

Mauvaises combinaisons. Pour le modèle de Karasek, une situation de travail caractérisée par une combinaison de demandes psychologiques élevées, d'autonomie décisionnelle faible ou de soutien social faible augmente le risque de développer un problème de santé physique et mentale. Les demandes psychologiques font référence à la quantité de travail à accomplir, aux exigences mentales et aux contraintes de temps liées à ce travail. L'autonomie décisionnelle renvoie à la capacité de prendre des décisions au sujet de son travail, mais aussi à la possibilité d'être créatif ou d'utiliser et de développer des habiletés. Le soutien social recouvre les différents types de relations possibles avec les collègues et les superviseurs et l'aide dont peut disposer le salarié pour faire le travail.

Le modèle de Siegrist repose, lui, sur le constat qu'une situation de travail caractérisée par une combinaison d'efforts élevés et de faible reconnaissance s'accompagne de réactions pathologiques sur le plan émotionnel et physiologique. Si l'effort s'apparente à la demande psychologique du modèle de Karasek, la faible reconnaissance peut prendre trois formes : financière (un salaire insatisfaisant), sociale (un manque d'estime et de respect) ou organisationnelle (de faibles perspectives de promotion ou une insécurité de l'emploi).

En utilisant des questionnaires validés et construits selon ces modèles, applicables à un ensemble de situations de travail, il est possible d'identifier les composantes du travail potentiellement "toxiques" au niveau psychique.