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La santé au travail, nouvel enjeu de société

par Stéphane Vincent / octobre 2011

En 1991, l'amiante était encore une menace diffuse, dénoncée par certains cercles militants, mais largement occultée par celle du chômage. Il y a vingt ans, la souffrance psychique, les troubles musculo-squelettiques, les effets du vieillissement au travail étaient encore des sujets d'étude ou de discussion entre experts. Que de chemin parcouru depuis ! Le scandale lié aux dizaines de milliers de cancers professionnels de l'amiante et ses suites judiciaires ont changé la donne. La santé au travail est devenue une affaire d'Etat, et sa préservation un nouveau principe juridique placé au-dessus de la liberté d'entreprise. Les effets des mutations économiques de ces vingt dernières années sur le travail et la santé - des suicides à la pénibilité, en passant par l'intensification - et leur prévention sont aussi au coeur du débat public aujourd'hui. Avec une certitude : il est non seulement nécessaire mais aussi possible de transformer le travail, afin d'en faire un vecteur de santé et non de maladie.

Dix ans de surveillance épidémiologique des TMS

par Catherine Ha épidémiologiste au département santé-travail de l'Institut de veille sanitaire (InVS) / octobre 2011

Mis en place en 2002 par l'Institut de veille sanitaire (InVS) dans les Pays-de-la-Loire, le programme de surveillance épidémiologique des troubles musculo-squelettiques (TMS) d'origine professionnelle a contribué à mieux en décrire la morbidité, jusqu'alors dépeinte essentiellement par les statistiques de reconnaissance en maladie professionnelle. Ce programme a notamment permis :

  • d'estimer la prévalence des principaux TMS et de l'exposition aux principaux facteurs de risque parmi un échantillon aléatoire de 3 710 salariés âgés de 20 à 59 ans ;
  • de faire des premières estimations en population générale de l'incidence du syndrome du canal carpien (SCC), retenu comme traceur des TMS du membre supérieur, et de la hernie discale lombaire, traceur des lombalgies, ainsi que de la part des cas attribuables au travail ;
  • d'estimer l'ampleur de leur sous-déclaration au titre des maladies professionnelles ;
  • de mieux connaître le devenir médical et professionnel des sujets atteints de TMS.

Ainsi, parmi les salariés des Pays-de-la-Loire, les ouvriers non qualifiés et les employés de commerce sont, chez les hommes, les plus touchés par le cumul des expositions à risque (travail en force, postures pénibles, répétitivité élevée et tension au travail). Chez les femmes, ce sont les ouvrières non qualifiées, suivies par les ouvrières qualifiées et les employées de commerce et de service. Les écarts d'exposition entre ouvriers non qualifiés et cadres ou professions intellectuelles supérieures sont marqués chez les hommes, encore plus chez les femmes. La prévalence des expositions est à peine moins élevée chez les 50-59 ans que dans les autres groupes d'âge, posant la question d'une organisation du travail soutenable pour les travailleurs vieillissants.

Davantage de TMS de l'épaule

Du côté des pathologies, la prévalence estimée du syndrome de la coiffe des rotateurs, à l'épaule, est plus élevée que celle du syndrome du canal carpien, au poignet. Bien que ce dernier occupe la première place, avec 40 %, des TMS du membre supérieur reconnus par le régime général de Sécurité sociale et la Mutualité sociale agricole, le taux de croissance des TMS de l'épaule entre 2004 et 2007 a été plus élevé (+ 34 %) que celui des TMS de la région des poignet, mains et doigts (+ 18 %). Par ailleurs, une estimation de la sous-réparation du SCC a été faite au niveau national en comparant le nombre de cas reconnus en 2003 par la Sécurité sociale au nombre de cas chirurgicaux attribuables au travail. La sous-réparation ainsi estimée concerne environ la moitié des cas. Ces résultats seront enrichis cette année par ceux d'une autre étude sur le SCC, conduite dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.