© Nathanaël Mergui/Mutualité française
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Les élus du CSE sont tous des élus CHSCT

par Dominique Lanoë ergonome et expert auprès des CHSCT Bernard Dugué ergonome / octobre 2018

A l'occasion de la mise en place d'un comité social et économique, ou CSE, les élus du personnel doivent s'assurer que les prérogatives et moyens d'action du CHSCT sont préservés, en définissant un cadre adapté à la prévention. Petit précis méthodologique.

La création du comité social et économique (CSE) par les ordonnances de 2017 bouleverse en profondeur les modalités de représentation des salariés dans les entreprises. Au 1er janvier 2020, soit dans à peine plus d'un an, toutes les fonctions et prérogatives des comités d'entreprise ou d'établissement (CE), CHSCT et délégués du personnel (DP) seront attribuées au seul CSE. Dans cette nouvelle instance, chaque élu sera ainsi potentiellement en charge des missions qu'assumaient les représentants du personnel au CHSCT.

Même si la négociation de la mise en place du CSE relève des délégués syndicaux, les actuels et futurs élus devront donc être attentifs à ce que les questions de santé et sécurité au travail gardent toute leur place dans le fonctionnement de la nouvelle instance et éviter leur dilution dans la masse des sujets à traiter. Pour les aider, voici quelques points de vigilance.

 

1. Dresser un état des lieux de l'action du CHSCT

 

Afin d'éviter que la mise en place du CSE fasse table rase de l'activité déployée par le CHSCT, il s'agit d'en faire l'inventaire. Quels sujets ont été traités par le CHSCT ? Quels sont ceux en suspens ? Comment et par quels biais ont-ils émergé ? Ont-ils été pris en compte dans la politique de prévention de l'entreprise ? A quel niveau ? Comment les élus menaient-ils l'analyse des conditions de travail et des situations à risque, les enquêtes après accident ? Comment se passait la consultation en cas de projet important ? S'appuyer sur des exemples concrets contribuera à argumenter la prise en charge de ces questions par le CSE et la nécessité d'une continuité dans la façon de le faire.

 

2. Adapter le CSE aux besoins de prévention

 

La discussion du protocole d'accord préélectoral est une première occasion pour fixer les conditions de mise en place du CSE : organisation du comité, nombre de réunions, présence des suppléants, délais de consultation... Après la mise en place, la discussion sur le règlement intérieur (RI) est un autre moment important pour négocier les modalités de fonctionnement et les moyens attribués : organisation des réunions, séances préparatoires, prise des heures de délégation... Le RI doit aussi fixer la façon dont le CSE intervient auprès des salariés : information, réunions et visites d'inspection. L'objectif est de trouver les formes de représentation qui permettront de faciliter la remontée des informations du terrain vers le CSE et de contribuer le plus efficacement possible à la prévention.

Dans les entreprises ayant plusieurs établissements, avoir un CSE pour chacun d'entre eux peut être un objectif, afin de limiter une trop grosse perte en nombre d'élus et de conserver une proximité avec les salariés et leurs conditions de travail. La discussion pourra aussi porter sur la désignation de "représentants de proximité", qui ne peuvent être mis en place que par accord collectif, en fixant leur nombre, leurs modalités de désignation, attributions et moyens d'action.

 

3. Déterminer le rôle de la CSSCT

 

La création d'une commission santé, sécurité, conditions de travail (CSSCT) est obligatoire dans les établissements de plus de 300 salariés et ceux classés Seveso, et peut être négociée dans les autres entreprises. Une des clés de l'action de cette nouvelle instance sera de pouvoir alimenter le CSE par des analyses précises de terrain. Il faut donc déterminer ce qui est le plus efficace, en lien avec le choix fait sur le périmètre du ou des CSE de l'entreprise. Par exemple, dans une entreprise de 500 salariés avec deux implantations géographiques distinctes, faut-il préférer un CSE unique avec une CSSCT sur chaque site, ou bien un CSE sur chaque site mais sans CSSCT ? La réponse dépendra du diagnostic que feront les représentants du personnel sur leur contexte d'intervention, mais aussi des négociations avec l'employeur.

En tout état de cause, l'employeur conserve une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité. Les représentants du personnel peuvent s'appuyer sur cette obligation pour convaincre l'employeur de créer si nécessaire une ou plusieurs CSSCT, et obtenir des moyens renforcés pour assumer leurs missions de prévention. Les modalités de mise en place et de fonctionnement d'une CSSCT se définissent par accord d'entreprise. A défaut d'accord, ces modalités seront fixées par le règlement intérieur du CSE. Point important, elles doivent déterminer qui élabore l'ordre du jour des réunions de cette commission. La loi ne prévoit rien en la matière.

 

4. Organiser l'agenda

 

Les réunions du CSE devront traiter de sujets très divers, mais, sur l'année, quatre d'entre elles doivent obligatoirement porter sur des points relatifs à la santé, la sécurité ou les conditions de travail. La définition de l'agenda ne doit pas être du ressort du seul président. Les élus doivent s'organiser pour définir des priorités et planifier les sujets à aborder, en lien avec leur connaissance du terrain, les analyses effectuées et les préoccupations exprimées par les salariés. Des réunions spécifiques peuvent ainsi avoir lieu sur l'élaboration du document unique d'évaluation des risques (DUER), le suivi des accidents du travail et maladies professionnelles, la consultation sur un projet important, le vote d'une expertise... Lors des consultations, il faudra aussi veiller à ce que l'avis des représentants du personnel prenne bien en compte, de façon argumentée, l'impact des projets sur les conditions de travail.

L'agenda est d'autant plus important que le médecin et l'inspecteur du travail ou l'agent du service de prévention externe ne pourront assister aux réunions du CSE que dans certains cas : lors de points de l'ordre du jour relatifs aux questions de santé au travail ; à la suite d'une décision de l'employeur ou de la majorité des élus titulaires du CSE ; à la suite d'un accident du travail ayant donné lieu à une interruption de travail d'au moins huit jours ou d'une maladie professionnelle. Ils peuvent aussi assister aux réunions de la CSSCT. Il faudra donc veiller à ce que l'employeur leur transmette le calendrier des réunions sur les sujets qui les concernent et les invite dans les délais prévus. Des liens peuvent bien sûr être établis avec ces acteurs en dehors du cadre des réunions.

 

5. Investir dans la formation de tous les élus

 

Une formation spécifique sur la santé, la sécurité et les conditions de travail est possible pour tous les élus du CSE, titulaires ou suppléants, y compris lorsqu'il y a une CSSCT. Cette formation - d'au moins cinq jours dans les entreprises de plus de 300 salariés et d'au moins trois jours dans les autres - reste à la charge de l'employeur. Elle doit être suivie le plus tôt possible, afin que les élus soient opérationnels et que le plan de travail du CSE en matière de prévention soit établi rapidement.

 

6. Préparer un bilan après un an d'exercice

 

Les modalités retenues au moment de la mise en place du CSE, avec les incertitudes liées à la nouveauté, devraient utilement faire l'objet d'une évaluation au bout de la première année de fonctionnement, en vue d'être révisées si nécessaire pour le reste du mandat.