Escroquerie à la pénibilité

par Françoise Mesnard / juillet 2010

Soumettre la cessation anticipée d'activité à la reconnaissance d'une maladie professionnelle, avec un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 20 %, tel que le propose le gouvernement dans son projet de réforme des retraites, est la pire des injustices. A ce niveau-là d'incapacité, les salariés concernés sont atteints d'un tel handicap qu'ils sont condamnés à une retraite douloureuse. Ils ne sont plus au travail, de toute façon.

Le projet est injuste, car il fait totalement l'impasse sur l'atteinte à l'espérance de vie du fait des expositions professionnelles passées. Les connaissances scientifiques et les rapports accumulés ces dernières années ont montré que cela concernait les expositions à des cancérogènes, le travail de nuit et le port de charges lourdes. Si l'on peut considérer que les cas les plus sévères de salariés soumis à cette dernière catégorie de contraintes seront réglés par le dispositif du gouvernement, il n'en est rien s'agissant des deux premières.

Bonification.

Pourtant, il est tout à fait possible de repérer ces salariés et de leur accorder une bonification de leurs années d'exposition - par exemple, une année de moins de cotisation par tranche de dix ans d'exposition -, calculée au vu de la reconstitution de carrière et en dehors de tout avis médical. L'exposition à des cancérogènes ou le travail de nuit ne provoquent en effet pas de stigmates physiologiques détectables par un médecin.

Le projet est injuste, car il va demander aux salariés de travailler plus longtemps sans prendre en compte un phénomène connu : avec l'avance en âge, les problèmes de santé surviennent de façon plus fréquente et rendent le travail plus pénible. Permettre à chacun, en fonction de son état de santé, de mener une activité professionnelle adaptée est possible. Encore faut-il prévoir un dispositif d'accompagnement des salariés malades, comme une réduction du temps de travail avec maintien de salaire.

Enfin, le travail peut être pénible à cause du stress lié aux modes d'organisation du travail. Vouloir faire travailler les salariés plus longtemps sans proposer un plan de prévention ambitieux de ce fléau n'est pas raisonnable.