Faciliter le travail des personnes atteintes d'une maladie chronique

entretien avec Anne-Marie Waser, sociologue
par Elsa Fayner / janvier 2017

La sociologue Anne-Marie Waser a coorganisé un colloque sur le thème du travail avec une maladie chronique, qui s'est tenu les 1er et 2 décembre1 . Elle revient sur la prise en charge de cette question au sein des entreprises.

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    Intitulé "Santé dégradée, santé négociée. Le travail en question", ce colloque a eu lieu au Conservatoire national des arts et métiers.

Travailler avec une maladie chronique se révèle-t-il plus difficile qu'avant ?

Anne-Marie Waser : Auparavant, le modèle qui prévalait était celui de la maladie aiguë : une pathologie, un arrêt de travail, puis le retour au travail comme si de rien n'était. Avec les transformations du travail, les évolutions des possibilités et des modes de traitement, l'attention plus grande portée aux troubles psychiques, le recul de l'âge de départ à la retraite et le vieillissement de la population dite "active", on se retrouve avec une part croissante d'actifs touchés par une ou plusieurs maladies chroniques. Ces derniers combinent santé altérée et travail, maintien dans l'emploi ou recherche d'emploi.

En France, on estime que près de 10 millions de personnes en âge de travailler sont concernées par une ou plusieurs maladies, troubles ou handicaps qui limitent leurs capacités. Les pathologies chroniques comportent deux traits communs : la durée de la maladie, qui ne permet plus de l'aborder comme une parenthèse dans le cours d'une vie, et une obligation de gérer la chronicité dans toutes les sphères de la vie sociale, y compris au travail. Pourtant, la maladie est encore perçue comme une anomalie, une parenthèse qui doit se refermer au plus vite.

Les salariés concernés veulent-ils généralement continuer à travailler ?

A.-M. W. : Tout à fait. Comme le montrent plusieurs études qualitatives sur la vie des personnes touchées par une maladie chronique et en âge de travailler, une majorité d'entre elles souhaitent poursuivre ou reprendre une activité, pour des raisons financières, pour l'intérêt que peuvent revêtir l'activité et les relations au travail, mais aussi parce que l'activité est un puissant instrument pour se dégager de l'emprise de la maladie et éviter l'enfermement dans le statut social de malade.

Pour favoriser le maintien dans l'emploi des travailleurs fragilisés, quelles solutions novatrices, sortant des approches individualisantes, sont à privilégier ?

A.-M. W. : Pour contribuer à l'accompagnement des personnes vivant avec une maladie chronique, plusieurs offres de dispositif se sont progressivement construites. Les psychologues y tiennent le plus souvent une place importante, tant dans la définition des objectifs poursuivis que dans l'animation. La part des dispositifs collectifs se développe, avec ce qu'on appelle communément les "groupes de parole". D'une manière générale, l'espace du groupe, le partage d'expérience avec les pairs permettent au sujet de ne pas s'effondrer et de soutenir le travail psychique sollicité par l'irruption de la maladie et sa portée traumatique. Mais il existe d'autres types d'interventions, en entreprise cette fois, menées par des ergonomes notamment, autour d'une personne en situation de handicap ou avant un licenciement pour inaptitude, par exemple. Dans certains dispositifs, l'ergonome analyse le travail au poste, ses contraintes et fait des propositions pour que la tâche soit facilitée : on ne part pas du malade mais du travail, pour que ce soit l'environnement, les collègues, l'organisation du service ou de l'équipe qui s'adaptent aux limitations temporaires ou durables et aux variations des capacités productives.