Des femmes en position difficile

par Philippe Davezies / avril 2016

Fidéliser les salariés est un souci des directions des plates-formes logistiques. La pénibilité particulière du travail a pour conséquence un flux important de sorties. Or il faut souvent des mois pour qu'un préparateur de commandes atteigne le niveau de performance souhaité. Dans cette perspective, les femmes constituent une main-d'oeuvre intéressante, car elles sont moins mobiles géographiquement que les hommes. La montée des exigences de productivité et l'augmentation induite de la pénibilité se sont donc accompagnées d'un appel accru à la main-d'oeuvre féminine, afin de pallier la fuite des hommes.

En raison des différences de force musculaire et de taille, les femmes sont néanmoins plus pénalisées par les contraintes de manutention et elles ont une productivité moindre lorsqu'elles travaillent sur les mêmes circuits que les hommes. "Elles sont plus stables, mais elles s'usent plus vite", confie un responsable. Une moindre productivité est tolérée par la hiérarchie si elle s'accompagne d'une plus grande disponibilité en cas de pointe d'activité. Car cela répond à un besoin de l'encadrement : pouvoir gérer la variabilité du flux quotidien de marchandises, en partie non prévisible, en ayant recours aux heures supplémentaires et, donc, au volontariat.

Arrangements à risque.

Les femmes ont ainsi particulièrement intérêt à se montrer arrangeantes sur ce point. Mais leurs disponibilités temporelles sont très différentes selon qu'elles sont célibataires, mères de famille en couple ou en situation de parent isolé. Dans pareille situation, et lorsque le personnel féminin est dirigé par une maîtrise masculine, le risque est que les arrangements et la disponibilité débordent sur des registres non professionnels. Il faut donc regarder avec beaucoup de méfiance une organisation qui, après les avoir mises dans une position difficile, incite les femmes à tenter individuellement de se concilier la hiérarchie... De fait, des sentiments d'injustice et de jalousie, liés à des relations privilégiées entre la maîtrise et certain(e)s salarié(e)s, sont souvent signalés sur les plates-formes.

Enfin, les conditions de travail constituent un risque pour la grossesse. La chose est claire pour les contraintes physiques, mais elle reste discutée pour l'exposition aux ondes radio émises par les systèmes de guidage par reconnaissance vocale. Cependant, l'Agence nationale de sécurité sanitaire recommande d'éviter l'exposition des enfants à ces ondes, ce qui vaut a fortiori pour les foetus, et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) indique que, dans le doute, le retrait est la solution.