L'équipe du département protection sociale collective de FO - © Nathanaël Mergui/Mutualité française
L'équipe du département protection sociale collective de FO - © Nathanaël Mergui/Mutualité française

Pour FO, prévention rime avec négociation

par Nathalie Quéruel / janvier 2019

Veillée d'armes au département protection sociale collective de Force ouvrière, qui se prépare à la négociation interprofessionnelle sur la réforme de la santé au travail. Une occasion, selon l'équipe syndicale, de faire valoir les enjeux de la prévention.

La santé au travail pour tous grâce à une négociation nationale interprofessionnelle, voilà l'ambition que se donne pour 2019 l'équipe du département protection sociale collective de Force ouvrière. A l'issue du congrès d'avril 2018, le nouveau secrétaire général, Pascal Pavageau (remplacé à la tête de la confédération par Yves Verrier le 22 novembre), lance l'initiative. "Nous avons la volonté de mettre l'accent sur le sujet, déclare Serge Legagnoa, secrétaire confédéral en charge du département. La santé d'une partie des salariés se dégrade, particulièrement dans le secteur des services, très touché par les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux. Et les récentes réformes, avec la dilution du CHSCT au sein du CSE [comité social et économique] ou encore l'espacement et le changement de nature des visites médicales, n'ont fait qu'affaiblir les acteurs de proximité jouant un rôle crucial dans la prévention en entreprise."

 

"Mettre tous les sujets sur la table"

 

Sans compter le rapport Lecocq qui, assure-t-on à FO, préfigure, sous couvert de simplification, une reprise en main du système de santé au travail par l'Etat pour réaliser des économies. Ce que combat fortement la confédération : "Le rapport remet en cause ce qui subsiste du paritarisme, alors que la branche AT-MP [accidents du travail-maladies professionnelles] de la Sécurité sociale réussit à mener un travail de fond, soutient Serge Legagnoa. Le 16 avril 2018, syndicats de salariés et organisations patronales ont adressé un courrier commun au Premier ministre, demandant que l'excédent de la branche soit versé au Fonds national de prévention des AT-MP. C'est une mesure que nous portons de longue date." La prochaine négociation sur la santé au travail permettrait donc de "mettre tous les sujets sur la table" et de ne pas en rester aux préconisations de la mission Lecocq. "Le rapport n'aborde la santé au travail que sous l'angle de la gouvernance, ce qui est loin de répondre aux enjeux", considère le secrétaire confédéral. Des enjeux qu'un fait résume à ses yeux : "La France est le pays d'Europe qui compte le plus de morts au travail."

Ce rendez-vous devra être l'occasion de faire un état des lieux complet, du fonctionnement des acteurs aux circuits financiers, et de réfléchir à une approche spécifique pour les TPE-PME, qui ont besoin d'accompagnement et de moyens financiers pour être plus efficaces en matière de prévention. "Trop de constats hâtifs préludent aux réformes, affirme Maxime Raulet, assistant confédéral en charge de la santé au travail. On le voit avec le débat sur les arrêts de travail, visés par le gouvernement. Les arrêts courts, majoritaires, ne représentent que 4 % des coûts d'indemnisation. En revanche, le présentéisme des salariés malades constitue un vrai problème. C'est pourquoi nous estimons qu'un lien doit être fait entre la mission sur les arrêts maladie et la réforme de la santé au travail : la première apportera des éléments statistiques sur l'âge, les métiers, les secteurs professionnels, qui donneront du grain à moudre pour la négociation globale."

 

Favoriser l'insertion des travailleurs handicapés

 

L'équipe syndicale s'est investie pleinement dans la prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs handicapés. La question est portée au plus haut niveau, en l'occurrence par Anne Baltazar, ex-présidente de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), nommée conseillère auprès du secrétaire général au dernier congrès. Plusieurs outils sont mis à disposition des militants : un dépliant qui fournit l'essentiel de la législation, les contacts des structures accompagnantes, les revendications de FO en la matière ; un site Internet dédié ; un clip vidéo intitulé Bienvenue dans le monde du travail, y compris avec un handicap. Des référents handicap sont présents dans les unions départementales (UD) et les fédérations pour apporter leur appui. Et une dizaine de stages de formation sont organisés chaque année dans les UD. Enfin, une Journée handicap a lieu quatre fois par an, à Paris et en province ; l'événement, qui accueille des intervenants tels que des responsables des ressources humaines ou des représentants du ministère de la Santé, se veut un moment de sensibilisation par le partage d'expériences.

La disparation des CHSCT a été un mauvais coup, avec une baisse drastique des moyens. La confédération a estimé que de 150 000 à 200 000 mandats d'élus seraient perdus avec le CSE. "L'instance unique conduit à exiger des élus une multitude de compétences techniques dans des domaines divers, avec le risque que la santé au travail ne soit reléguée au second rang ; le CHSCT, au contraire, avait la capacité de construire des démarches de prévention concrètes en lien avec l'activité des salariés", souligne Serge Legagnoa, qui appelle les militants à la mobilisation lors de la mise en place du CSE. Dans la branche de la métallurgie, la fédération FO a signé en juin 2018, avec la CFDT, la CFE-CGC et le patronat, une lettre paritaire pour inciter à négocier, préciser le rôle des représentants de proximité et défendre la formation des élus. Chez Sanofi SAG, l'accord entériné par FO prévoit ainsi, par rapport à ce qu'impose la loi, deux sièges de plus et quatre heures de délégation supplémentaires par titulaire. "Malheureusement, dans les entreprises qui ont déjà installé leur CSE, 80 % s'en tiennent strictement au minimum légal", déplore le secrétaire confédéral.

Le centre de formation des militants syndicaux s'est adapté afin de proposer des stages CSE. Ceux-ci comportent un volet santé et sécurité au travail, avec un module renforcé de cinq jours pour les élus des entreprises de plus de 300 salariés ou classées Seveso, appelés à siéger dans la commission santé, sécurité et conditions de travail. Par ailleurs, précise Maxime Raulet, "le stage mensuel que le département protection sociale organise dans les régions va désormais aborder la thématique de la santé au travail". S'il n'y a pas de newsletter consacrée au sujet, les fédérations et les UD reçoivent les comptes rendus de toutes les réunions des instances relatives à la santé au travail auxquelles participent les représentants FO. Et des notes d'information spécifiques sont transmises aux militants pour les aider à traiter certains sujets.

 

Pour la reconnaissance du burn-out

 

L'équipe syndicale se mobilise également pour la reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle, condition indispensable au développement de la prévention des risques psychosociaux dans les entreprises. "Le baromètre 2017 de Santé publique France montre que la santé psychique des Français se détériore et que les troubles dépressifs sont responsables de 35 % à 45 % des arrêts de travail, relève Serge Legagnoa. Ces chiffres illustrent les conséquences de la dégradation des conditions de travail et de la précarisation, qui pèsent financièrement sur la branche maladie de la Sécurité sociale, en lieu et place de la branche AT-MP. Cette reconnaissance de la maladie psychique des travailleurs est de nature à responsabiliser les employeurs." Qui auraient alors tout intérêt à transformer leurs modes d'organisation du travail, principale racine du mal1

  • 1NDLR :

    Cet article constitue le huitième et dernier volet de la série de "portraits" que Santé & Travail a consacré aux équipes en charge des questions de santé au travail au sein des différentes centrales syndicales.