Force ouvrière s'intéresse au stress des caissières

par Ivan du Roy / avril 2010

Maltraités, déprimés : les salariés de la grande distribution souffrent. Le syndicat Force ouvrière a organisé en janvier un colloque sur ce thème, pour aider ses militants à négocier des accords de prévention.

Des caissières d'hypermarchés Leclerc côtoient des chefs de rayon de Carrefour, des manutentionnaires d'Auchan ou des employés d'enseignes hard discount. Ce 21 janvier 2010, un colloque " Stress et souffrance au travail " organisé par la Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes de Force ouvrière (FGTA-FO) réunit environ 200 participants au siège de la confédération, à Paris. La plupart travaillent dans la grande distribution. Dans un contexte marqué par la série de suicides à France Télécom, l'affluence est plus élevée que d'habitude. Objectif : informer les syndicalistes sur les outils à leur disposition et leur permettre de conclure, en connaissance de cause, les accords sur la prévention du stress exigés par le ministère du Travail1

Un psychologue du travail (Jean-Marie Kneib), un ergonome (Jean-Claude Delgenes, fondateur du cabinet Technologia), un médecin du travail ou encore une assistante sociale sont venus participer aux tables rondes. Janine Lecot-Lothoré, secrétaire fédérale de la FGTA, souhaitait que le débat ne soit pas " trop intello " : " Pour les salariés, ce n'est pas toujours évident de rester une journée à écouter de grands spécialistes. "

Les directions des enseignes concernées étaient également invitées. Seul Jacques Guillot, directeur des ressources humaines (DRH) de la chaîne logistique des hypermarchés Carrefour, a répondu présent. Quatre mois plus tôt, plusieurs de ses homologues et un représentant de la direction générale du Travail s'étaient déplacés pour discuter de la mise en oeuvre des plans de continuité d'activité face au risque de pandémie grippale. Cette fois, ces mêmes DRH n'étaient " pas disponibles ", regrette Janine Lecot-Lothoré. Pourtant, la secrétaire fédérale s'alarme des situations " épouvantables " qu'elle constate lors de ses visites de terrain. " Dans les vestiaires, des caissières prennent du Lexomil(r) ou d'autres médicaments. L'organisation du travail peut changer le matin pour le jour même. Certaines enseignes exercent une pression permanente, en particulier dans le hard discount, où l'on doit être polyvalent à 100 %. "

Insulté, giflé. L'audience écoute attentivement l'intervention du DRH de Carrefour. Il parle " valeurs " de l'entreprise, " reconnaissance ", " écoute du personnel ", " charte de la parentalité ", " travail en îlot " (des groupes de salariés se répartissant eux-mêmes les horaires) pour concilier vie personnelle et vie professionnelle... Avant d'être bruyamment interrompu par des témoignages de salariés confrontant la belle théorie managériale à leurs réalités : ici, des employés sont virés comme des malpropres ; là, des caissières sont coincées entre l'agressivité des clients et les injonctions de l'entreprise. Dans un autre hypermarché, il n'y a pas assez d'effectifs pour assurer des horaires adaptés à la vie familiale. Un syndicaliste d'une enseigne concurrente raconte comment l'un de ses collègues est insulté et giflé par le gérant. Depuis plusieurs semaines, le salarié ne parle plus. A son tour, Jacques Guillot écoute avec attention. Dommage qu'un colloque syndical soit nécessaire pour que de réels échanges s'esquissent entre le haut de la pyramide et les salariés en première ligne.

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    Le 9 octobre 2009, Xavier Darcos, alors ministre du Travail, avait exigé des entreprises de plus de 1 000 salariés qu'elles négocient sur le stress avant le 1er février. Voir article page 14.