Fukushima : le CHSCT de France 2 en alerte

par Martine Rossard / 13 mai 2011

Suite à un reportage tourné à 80 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de France 2 a décidé de lancer une procédure d'alerte pour danger grave imminent.

Peut-on sans risque tourner un reportage près d'une centrale nucléaire qui laisse échapper des vapeurs radioactives ? La présence fin mars d'une équipe de tournage de France 2 dans la ville de Fukushima (Japon), à 80 kilomètres environ de la centrale, a en tout cas convaincu le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la chaîne de lancer une procédure d'alerte pour danger grave et imminent. « Un reportage ayant été tourné pour la rédaction de France 2 à Fukushima et diffusé au JT de 20 heures du mercredi 24 mars 2011, le CHSCT de France 2 constate que l'organisation du travail des équipes de reportage au Japon est de nature à engendrer des risques importants pour la santé physique et mentale des salariés. En conséquence, il déclenche la procédure de danger grave et imminent en date du 25 mars 2011 », a indiqué le CHSCT dans un communiqué.

Compte tenu du danger représenté par la centrale nucléaire, endommagée par le séisme du 11 mars 2011, « la direction avait annoncé que toutes les équipes de France Télévision restaient regroupées à Osaka, à 560 km plus au sud », rappelle Christian Fruchard, le secrétaire CGT du CHSCT. « Les premiers partis disposaient seulement d'équipements de protection en relation avec un tremblement de terre et non avec un risque d'exposition à un nuage radioactif », souligne Maryse Richard, élue SNJ au CHSCT.

Les syndicalistes se sont aussi émus de la présence d'un journaliste en CDD dans l'équipe partie pour la ville de Fukushima. Les personnels précaires ne bénéficient pas en effet du même suivi médical que les salariés permanents. Seuls des volontaires ont été envoyés en reportage au Japon et tous devaient respecter les consignes de l'ambassade de France à Tokyo. Mais, estiment les deux syndicalistes, la précarité peut pousser à prendre des risques inconsidérés. « Je ne crois pas que ce soit à l'aune de la prise de risque que les collaborateurs sont appréciés », rétorque pour la direction Jean Copsidas, président du CHSCT. « La direction de l'information a pris la décision du reportage, en dehors de la zone d'exclusion de 20 km autour de la centrale, sous réserve que les trois personnes concernées ne restent pas plus de 4 ou 5 heures dans la zone », précise-t-il. Cette durée aurait été respectée et l'équipe aurait été « faiblement exposée en deçà de ce qui nécessite un suivi et une attention particulière ».

Même suivi médical pour tous

Néanmoins, à la demande des représentants du personnel au CHSCT, tous les collaborateurs partis au Japon, y compris les non-permanents et les prestataires extérieurs, ont suivi le même parcours médical : examen par le médecin du travail, mise en relation avec l'Institut d'accompagnement psychologique et de ressources (IAPR). « J'ai demandé que l'éventualité d'une irradiation soit mentionnée sur chaque dossier médical car certains pourraient déclencher une leucémie ou autre dans quinze ans ou plus », déclare Maryse Richard. Si les dangers des rayonnements ionisants pour la santé sont certains en cas d'exposition prolongée ou de dose forte, personne ne peut en effet garantir leur innocuité en cas d'exposition courte ou à faible dose. Les équipements professionnels et les affaires personnelles des équipes ont également été contrôlés. Des traces, faibles, de particules radioactives ont été décelées par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur certains matériels. « Des valises devaient être confinées mais ont seulement été mises sous plastique dans un placard », dénonce Jean-Jacques Cordival, de la fédération CGC des medias.

Au final, la direction de France 2 estime que la procédure de danger grave et imminent n'aurait dû être lancée qu'en cas d'insuffisance des réponses apportées aux questions du CHSCT. « Nous avons pu faire la démonstration que les mesures nécessaires avaient été prises et nous avons pu échanger positivement sur les équipements de sécurité, la façon de traiter ce type de risque... », assure Jean Copsidas. Pour Christian Fruchard, la procédure a permis d'introduire plus de « rigueur » dans la prévention des risques et la mise en place du suivi médical. Maryse Richard estime que la direction doit encore répondre de façon précise à certaines questions concernant l'équipe envoyée à Fukushima : consignes données ? Date, heure et durée exactes du tournage ? Détail du matériel de protection individuelle ? Elle considère cependant que la démarche a permis de clarifier les consignes mais aussi de décider un recours aux dosimètres actifs, et non plus passifs, pour mesurer immédiatement la radioactivité en temps réel.