Pénibilité et retraite : le gouvernement va devoir arbitrer

par Eric Berger / octobre 2008

Après l'échec en juillet dernier des négociations entre les partenaires sociaux sur la prise en compte de la pénibilité du travail dans l'âge de départ en retraite, le gouvernement doit reprendre la main. Mais les syndicats ne se font guère d'illusions.

Printemps 2003 : lors du débat sur la réforme des retraites, un jeune député du nom de Xavier Bertrand dépose un amendement invitant syndicats et patronat à engager une négociation sur la prise en compte de la pénibilité au travail. Cinq ans plus tard, c'est un retour à l'expéditeur. Après la réunion du 16 juillet dernier, actant l'échec de la négociation entre les partenaires sociaux, c'est aujourd'hui au même Xavier Bertrand, désormais ministre du Travail, de trouver une solution pour les salariés usés par le travail. Une situation qui ne surprend pas les organisations syndicales. "Le Medef n'avait aucune volonté d'aboutir à un accord", déplore Eric Aubin, de la CGT. "L'échec avait été programmé dès le départ", souligne Jean-Louis Malys, de la CFDT.

Lancées en février 2005, les discussions ont été pour le moins laborieuses, ponctuées de revirements, d'une interruption d'un an, sans oublier les conséquences du scandale de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) obligeant Denis Gauthier-Sauvagnac, chef de file de la délégation patronale, à céder sa place à François-Xavier Clédat, président de Spie-Batignolles. Si les négociateurs étaient parvenus à avancer sur une définition de la pénibilité, de ses critères et de sa prévention, la réparation a été le coeur de la discorde. Les organisations syndicales n'ont pas cessé de plaider pour des préretraites financées par les employeurs, afin de compenser les écarts d'espérance de vie entre les salariés exerçant des travaux pénibles et d'autres catégories de travailleurs.

 

Volte-face patronale

 

Après des mois de refus, le patronat avait accepté de parler de départs anticipés, tout en fixant des conditions d'accès extrêmement restrictives. Si les partenaires sociaux étaient alors encore très loin d'un accord, les organisations syndicales reprenaient un peu espoir. Mais lors de la réunion de la dernière chance, en juillet, le patronat a fait volte-face. Dans le dernier texte du Medef, il n'est plus question de cessations automatiques d'activité. "Certaines branches professionnelles ont exercé une forte pression ne laissant aucune marge de manoeuvre aux négociateurs", explique Danièle Karniewicz, de la CFE-CGC. "Aucun relevé de conclusions listant accords et désaccords n'a pu être rédigé, regrette Jean-Louis Malys. Le patronat laisse le champ complètement libre au gouvernement."

Xavier Bertrand s'apprête donc à relancer des discussions entre les partenaires sociaux et l'Etat sur des bases qu'il aura déterminées. Ce qui ne laisse guère d'illusions aux représentants des salariés. Les recommandations du rapport remis par le député UMP Jean-Frédéric Poisson sur la pénibilité, très proches de la position du Medef, ou la récente décision gouvernementale d'allonger la durée des cotisations pour les carrières longues ne sont pas de nature à les rassurer. "Les organisations syndicales attendent une reconnaissance très large de la pénibilité, mais sans avoir de financement défini", précise-t-on au cabinet de Xavier Bertrand. En 2005, les partenaires sociaux avaient évalué à 9 milliards d'euros les fonds publics qui étaient utilisés pour financer différents dispositifs de préretraite. "Certains sont appelés à disparaître, les sommes dégagées doivent pouvoir être redéployées vers la pénibilité, estime Eric Aubin. Mais les employeurs ne peuvent être dédouanés de leurs responsabilités et doivent être également mis à contribution." C'est désormais au gouvernement de trancher.