Le hasard ou la malchance, principales origines des cancers ?

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Gérard Lasfargues professeur en médecine du travail
/ avril 2015

Le hasard ou la malchance, principales origines des cancers ? C'est la conclusion surprenante tirée d'une étude parue dans la prestigieuse revue scientifique Science, début 2015. Les auteurs ont comparé le nombre de divisions des cellules souches sur la vie entière dans différents tissus du corps humain. Ce nombre étant associé à un risque de mutations, plus le potentiel de renouvellement des cellules souches d'un organe est élevé, plus le risque d'apparition d'un cancer augmente dans ce tissu pendant la durée d'une vie. Le problème, c'est l'interprétation que tirent de leurs résultats les auteurs : ils concluent à un poids mineur des facteurs environnementaux dans la survenue des cancers.

Les limites de l'étude sont nombreuses : restriction à la population des Etats-Unis, exclusion par absence de données de cancers fréquents dans le monde, comme ceux du sein, du col de l'utérus, de l'estomac... La prise en compte de ceux-ci comme l'intégration d'autres populations auraient, à l'évidence, modifié profondément les résultats. Mais le plus surprenant est l'absence de doute exprimée dans les conclusions, pourtant en contradiction avec l'accumulation de données scientifiques démontrant la part importante des expositions environnementales ou professionnelles dans la survenue de nombreux cancers.

Non, le cancer n'est pas le simple fruit du hasard, mais encore trop souvent celui du hazard, terme anglais pour désigner le risque, celui auquel restent exposés aujourd'hui de nombreux travailleurs. Selon l'enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) pilotée par le ministère du Travail, plus de 2 millions de salariés étaient encore, en 2010, exposés à un cancérogène avéré ou probable. Et en premier lieu les ouvriers, dont on sait qu'ils payent le plus lourd tribut au cancer. La prévention des risques liés aux agents cancérogènes, et chimiques, reste donc plus que jamais d'actualité. Son inscription parmi les priorités du 3e plan santé au travail en est la plus récente illustration.