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Vers une intégration des Aract au sein de l’Anact ?

par François DESRIAUX / 30 août 2019

La Cour des comptes a rendu public le 29 août un référé à propos de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Elle attire l’attention sur la fragilité juridique du réseau régional des Aract et envisage leur intégration à l’Anact.

« Un nouveau cadre d’action à redéfinir : les enjeux d’une intégration des Aract au sein de l’Anact. » C’est le sous-titre d’un référé de la Cour des comptes, adressé le 24 mai 2019 à la ministre du Travail, par son premier président, Didier Migaud. Dans ce document, le locataire de la rue Cambon attire l’attention de Muriel Pénicaud sur un certain nombre d’observations concernant la gestion de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et de son réseau d’associations régionales, les Aract. Pour les magistrats de la haute juridiction financière, l’établissement est « mieux géré » et « intervient dans un champ de plus en plus large ». Ils soulignent la nécessité de « préserver la mission de service public actuellement remplie par l’Anact et de valoriser le tournant opéré par cet opérateur en tant que vecteur de l’innovation publique et outil d’aide à la décision sur le champ des conditions de travail ».

Respecter les règles de la commande publique

Mais les louanges s’arrêtent là. Le référé juge que « le réseau de l’Anact et des Aract est juridiquement fragile », malgré les efforts faits depuis le précédent rapport de la Cour en 2011 ; plus d’étoffe a ainsi été donnée à la notion de réseau, avec une charte, des conventions annuelles de financement, une animation de la gouvernance et des directions générales des Aract. Cependant, « les entités concernées ne fonctionnent pas réellement de manière coordonnée, ni sous un pilotage accepté dans tous les domaines ». Les Aract, qui sont des associations de droit privé avec une gestion paritaire, gardent une large autonomie dans la stratégie et la conduite de leurs activités, avec plusieurs sources de financement : l’Anact en est une mais minoritaire. Ces structures se retrouvent donc avec plusieurs « donneurs d’ordres » et, de ce fait, « conservent une large indépendance dans leur fonctionnement et la programmation de leurs activités », peut-on lire dans le texte. Pour les magistrats, le mélange des genres pose des difficultés juridiques, l’Anact étant un établissement public à caractère administratif et les Aract ayant un statut de droit privé. Les partenariats conclus entre Anact, Aract et d’autres entités doivent à leurs yeux s’analyser comme des contrats de prestations de services ; ceux-ci devraient alors s’inscrire dans les règles de la commande publique avec une mise en concurrence.

Une réforme du réseau d’ici 2021

Une seconde insécurité juridique relevée par la Cour concerne le respect des principes budgétaires et comptables du domaine public. L’organisation entre l’Anact et les Aract conduit en effet à financer par des deniers publics des personnes privées non dotées d’un comptable public. « Il apparaît dès lors indispensable, pour mettre un terme à ces pratiques, de réformer le schéma institutionnel actuel, le maintien du statu quo étant source de risque juridique. » Et les magistrats de proposer que la relation entre l’Anact et les Aract soit repensée, « soit dans le sens d’une intégration à une même personne morale, soit, à tout le moins, dans une configuration qui garantisse l’application des règles de la commande publique ». Ils rappellent d’ailleurs que l’intégration des Aract au sein de l’agence nationale était déjà évoquée par un groupe de travail réuni dans le cadre de la conférence sociale de 2012.
Dans sa réponse datée du 22 juillet dernier, la ministre du Travail rappelle que « le gouvernement a pour projet de mener une réforme ambitieuse de la santé et sécurité au travail afin de simplifier le paysage institutionnel pour les entreprises et les travailleurs et de renforcer la prévention des risques ». Elle précise qu’au terme d’une négociation/concertation avec les partenaires sociaux, son objectif est de parvenir à une réforme dans les prochains mois. « Si toutefois le calendrier parlementaire ou d'autres impératifs devaient faire obstacle à son aboutissement à l'horizon 2021, je veillerais en tout état de cause à engager une réforme du réseau Anact-Aract afin de le mettre en conformité avec les règles de la commande publique. Ce projet, de nature réglementaire et non législative, pourrait alors intervenir avant la fin de l'année 2021. » s’engage Muriel Pénicaud.
Nul doute que cette nouvelle exigence fera l’objet des futurs échanges entre la ministre et les partenaires sociaux sur la réforme de la santé au travail. Avec deux questions de taille : quelle serait la place des représentants syndicaux et patronaux en région, si les Aract deviennent des antennes locales de l’Anact ? Et comment assurer le financement global de cette nouvelle entité, sachant que les Aract perçoivent une large part de crédits régionaux ?