Les atouts des CHSCT de la fonction publique

par Michel Agostini expert CHSCT (cabinet Secafi) / juillet 2011

La mise en place de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans la fonction publique va renforcer les moyens d'action des représentants du personnel, malgré une autonomie plus limitée que dans le privé. Le dispositif en détail.

Quelles vont être les conséquences pratiques de l'évolution des comités d'hygiène et de sécurité (CHS) de la fonction publique en comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ? Cette évolution, actée par un accord daté du 20 novembre 2009 (voir encadré ci-dessous), vise à améliorer la prévention des risques professionnels. Des décrets sont venus cadrer sa mise en oeuvre. Mais le dispositif final dépendra de circulaires d'application, qui ne sont pas encore connues. Il est néanmoins possible de faire plusieurs constats.

Un accord presque unanime

L'accord " Santé et sécurité au travail dans la fonction publique " du 20 novembre 2009 a été signé par toutes les organisations syndicales, sauf Solidaires. Il propose de façon novatrice un cadre négocié de priorités et d'actions pour la prévention des risques professionnels. Transposé dans la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions concernant la fonction publique, il comporte trois axes : " Instances et acteurs opérationnels en matière de santé et de sécurité au travail " ; " Objectifs et outils de prévention des risques professionnels " ; " Dispositifs d'accompagnement des atteintes à la santé ". L'accord social les décline en quinze mesures décrites de façon détaillée, avec pour chacune l'enjeu visé, les actions à conduire, le calendrier et les conditions de mise en oeuvre, les modalités d'évaluation.

Une mise en oeuvre décalée

Le premier, c'est que seules deux des trois fonctions publiques sont concernées par les textes. La fonction publique hospitalière (FPH) dispose depuis les années 1990 de CHSCT identiques à ceux du privé. Les textes en discussion portent donc sur la mise en place de CHSCT dans la fonction publique d'Etat (FPE) d'ici la fin de cette année, puis dans la territoriale (FPT) en 2014. Cette mise en oeuvre décalée entre l'Etat et la territoriale s'explique par leurs différences structurelles et les rythmes propres aux négociations avec les structures employeurs.

Les conditions de mise en place des nouvelles instances se différencient également entre la FPE et la FPT. Pour l'Etat, les échelons de mise en place se décideront en concertation au niveau de chaque ministère. Dans les administrations déconcentrées, les CHSCT s'articuleront avec les comités techniques paritaires (CTP)1 , afin que les deux instances se coordonnent et que tout agent puisse relever d'un CHSCT de proximité. Il y aura aussi des CHSCT dans tous les établissements publics de l'Etat ne présentant pas de caractère industriel ou commercial. En ce qui concerne la FPT et ses établissements publics, un CHSCT sera établi dans toute collectivité de plus de 50 agents. En deçà, ce seront les CTP qui en assumeront les missions. Notons l'obligation spécifique de mettre en place un CHSCT dans chaque service départemental d'incendie et de secours.

Consultation et avis

Deuxième constat, le CHSCT de la fonction publique disposera de compétences proches de celles du CHSCT du privé. Il sera ainsi consulté et devra rendre un avis :

  • avant tout aménagement important et tout projet d'introduction de nouvelles technologies ;
  • sur le rapport annuel présenté obligatoirement par l'administration ou la collectivité et faisant le bilan de la santé, de la sécurité et des conditions de travail des personnels relevant du périmètre du CHSCT ;
  • sur le plan annuel de prévention, sur lequel il pourra proposer un ordre de priorités et ajouter des mesures ;
  • sur le rapport annuel du médecin de prévention ;
  • sur les déclarations de services comportant des établissements classés (type Seveso) et sur les enjeux environnementaux.

Il disposera d'une réelle capacité d'enquête et d'intervention sur les conditions de travail, via :

  • l'analyse des risques professionnels ;
  • la capacité de visite des services et des locaux ;
  • l'élaboration de mesures de prévention visant à améliorer la santé et la sécurité au travail, notamment en matière de harcèlement et d'insertion de personnes handicapées ;
  • le droit d'enquête en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

La présidence du CHSCT reviendra à un représentant de l'administration ou de la collectivité territoriale, mais la fonction de secrétaire sera confiée à un représentant du personnel, comme dans le privé. Les représentants du personnel disposeront d'un mandat de quatre ans et les sièges (7 titulaires et 7 suppléants maximum au niveau ministériel ; 9 pour les autres niveaux) seront répartis en fonction des résultats aux élections professionnelles aux CTP. Le principe de représentativité s'applique donc. Enfin, les textes ouvrent un nouveau droit à la formation, à chaque mandature. Les futurs représentants des fonctionnaires pourront enrichir leur pratique par des contacts plus réguliers avec leurs homologues du privé, qui ont l'expérience des prérogatives nouvellement accordées aux CHSCT de la fonction publique.

Pas de maîtrise du processus d'expertise

En revanche, et c'est le dernier constat, les textes ont déjà acté que certains droits dont disposent les CHSCT du privé ne seront pas accordés à ceux de la fonction publique. C'est le cas pour le recours à un expert agréé. Dans la fonction publique, les représentants du personnel devront demander à l'autorité administrative de faire appel à un expert agréé en cas " de risque grave révélé ou non par un accident de service ou de maladie à caractère professionnel " ou face à un " projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ". Si le droit est établi, la décision est confiée au représentant de l'administration, et non aux représentants du personnel comme c'est le cas dans le privé. On prive ainsi ceux-ci de la maîtrise du processus d'expertise. En outre, le texte prévoit qu'avant de faire appel à une expertise externe, le président du CHSCT pourra utiliser les experts internes. Leurs compétences et leur intégrité ne sauraient être mises en cause. Mais qu'en est-il de la capacité d'analyse en dehors de la logique hiérarchique et de l'utilité d'apporter un regard externe ?

Les CHSCT de la fonction publique n'auront pas non plus la possibilité de faire intervenir l'Inspection du travail. Une restriction justifiée par l'existence d'agents chargés des fonctions d'inspection au sein de la fonction publique et, d'autre part, par le " rôle consultatif du CHSCT, qui n'a pas la personnalité morale ". Cela signifie qu'il ne pourra agir en justice pour défendre ses intérêts.

Les CHSCT de la fonction publique n'auront donc pas la même autonomie que ceux du privé. Cependant, ces différences ne peuvent occulter les avancées obtenues par rapport à la situation antérieure. Il est conféré aux nouveaux CHSCT un rôle renforcé, dans un contexte où leur action s'impose. En effet, entre la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la réforme des collectivités territoriales, les agents publics sont soumis à de profonds bouleversements de leur activité : réorganisations, déménagements, suppressions de postes, évolution des missions et du management... avec des conséquences indéniables sur la santé. Les besoins des fonctionnaires en termes de prévention sont donc criants. Aux représentants du personnel d'investir le nouvel espace d'intervention qui s'ouvre à eux.

  • 1

    Instances représentatives du personnel en charge des questions d'emploi, de formation et d'organisation des services et du travail.