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La santé au travail, nouvel enjeu de société

par Stéphane Vincent / octobre 2011

En 1991, l'amiante était encore une menace diffuse, dénoncée par certains cercles militants, mais largement occultée par celle du chômage. Il y a vingt ans, la souffrance psychique, les troubles musculo-squelettiques, les effets du vieillissement au travail étaient encore des sujets d'étude ou de discussion entre experts. Que de chemin parcouru depuis ! Le scandale lié aux dizaines de milliers de cancers professionnels de l'amiante et ses suites judiciaires ont changé la donne. La santé au travail est devenue une affaire d'Etat, et sa préservation un nouveau principe juridique placé au-dessus de la liberté d'entreprise. Les effets des mutations économiques de ces vingt dernières années sur le travail et la santé - des suicides à la pénibilité, en passant par l'intensification - et leur prévention sont aussi au coeur du débat public aujourd'hui. Avec une certitude : il est non seulement nécessaire mais aussi possible de transformer le travail, afin d'en faire un vecteur de santé et non de maladie.

Les conséquences de la fin des préretraites

par Annie Jolivet chercheuse en économie au Centre d'études de l'emploi / octobre 2011

Dans un contexte d'allongement des durées de cotisation et de maîtrise des dépenses publiques, le nombre de personnes en préretraite a été progressivement réduit et certains dispositifs ont été supprimés, surtout depuis 2003. En dix ans, les entrées annuelles dans les dispositifs publics de préretraite ont été divisées par dix. Seuls trois dispositifs existent encore. Les deux plus récents ciblent certaines conditions de travail : la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Caata) concerne les travailleurs exposés à l'amiante et la cessation d'activité de certains travailleurs salariés (Cats) concerne principalement les travailleurs à la chaîne et ceux exposés au travail de nuit. Compte tenu de leurs critères d'accès, les préretraites publiques sont aujourd'hui marginales (6 680 personnes seulement en ont bénéficié en 2010).

Précarisation

Or la combinaison d'un recul de l'âge de la retraite et d'un allongement de la durée de cotisation requise pour le taux plein accentue l'exigence d'une carrière continue, longue, et d'un maintien en emploi jusqu'à la retraite. Pour ceux qui ne peuvent " tenir ", les principales voies de sortie aujourd'hui sont le chômage et les divers dispositifs couvrant l'invalidité. Depuis la forte réduction des entrées dans des dispositifs publics de préretraite, les entrées des 55-64 ans et plus en chômage indemnisé progressent. Le relèvement de l'âge de la retraite allonge donc le délai d'attente de la pension de retraite. Pour les chômeurs de longue durée, le basculement vers des dispositifs de revenu minimum se traduit par une précarisation accrue.

La tendance actuelle est à la mise en place de dispositifs de retraite anticipée. Or ces dispositifs ne prennent en compte que très indirectement, via les longues carrières, ou très partiellement les conditions de travail actuelles ou antérieures et l'usure professionnelle. Ainsi, le dispositif " pénibilité " créé l'an dernier ne bénéficie qu'aux salariés dont l'état de santé est très dégradé, compte tenu du seuil d'incapacité permanente partielle retenu. Il s'agit en fait d'une extension de la retraite pour invalidité. Il ne prend pas en compte les effets différés du travail sur la santé et l'espérance de vie ; son caractère individuel et médical est un réel obstacle à une réflexion sur les conditions de travail.

La fin des préretraites massives a donc mis en lumière les difficultés à " tenir " dans le travail que rencontrent notamment les personnes en fin de parcours professionnel. Leur maintien effectif dans l'emploi implique de créer les conditions d'un travail soutenable, y compris plus tardivement.