Dominique Corona, de l'Unsa - © Nathanaël Mergui/Mutualité française
Dominique Corona, de l'Unsa - © Nathanaël Mergui/Mutualité française

L'Unsa milite pour la qualité de vie au travail

par Nathalie Quéruel / octobre 2018

A l'Unsa, la qualité de vie au travail, axe majeur de la mobilisation, a donné son nom à la commission chargée de la santé au travail. Celle-ci forme et informe les militants pour les aider à négocier au mieux les accords d'entreprise sur ce thème.

C'est devenu en quelques années un des thèmes phares de l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa). En mars 2015, en prélude à son congrès organisé à Montpellier, la qualité de vie au travail (QVT) a fait l'objet d'un colloque. Cet axe fort sera sans conteste réaffirmé l'an prochain lors du congrès de Rennes. Pour autant, l'organisation n'a pas attendu l'accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 relatif à la QVT pour prendre le sujet à bras-le-corps. "En 2008, sous l'impulsion du secrétaire général de l'époque, Alain Olive, une campagne de syndicalisation intitulée "Donner du sens au travail" avait été lancée, relate Dominique Corona, secrétaire national en charge de la protection sociale, de la qualité de vie au travail et de l'économie sociale et solidaire. C'était une conception novatrice de la question des conditions de travail. Soumis à des injonctions paradoxales, salariés comme agents de la fonction publique avaient perdu leurs repères : la finalité et l'utilité de leur activité leur échappaient. Pour retrouver du sens, il fallait les associer à l'organisation du travail, notamment par le dialogue social."

 

"Une démarche plus globale"

En 2011, la commission "santé au travail", qui existait depuis treize ans, s'est muée en une commission "qualité de vie au travail", qu'animent conjointement Dominique Corona et Annick Fayard, secrétaire nationale Unsa fonction publique et conseillère nationale sur la santé au travail. "Ce n'est pas un simple changement de nom, précise celle-ci. Cela témoigne d'une évolution de notre approche de la prévention des risques professionnels, auparavant centrée sur la sécurité et la santé physique, vers une démarche plus globale. Elle interroge aussi bien l'organisation du travail, son contenu, sa reconnaissance, que la question du management, l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ou encore la médecine de prévention, qui doit intervenir en équipe pluridisciplinaire. Nous en sommes convaincus : le travail, lorsqu'il est de qualité, est un facteur de santé et de cohésion sociale."

La commission se réunit environ tous les deux mois, avec un représentant de chaque fédération, du public comme du privé. Sont passées en revue les actualités - notamment celles relatives aux réformes (médecine du travail, instances représentatives du personnel...) - et leurs impacts sur l'action syndicale. Puis sont abordées des questions thématiques, telles que la violence au travail ou les risques psychosociaux (RPS). Un des principaux enjeux de la QVT, c'est sa mise en musique sur le terrain, qui passe par la négociation d'accords. "Il faut veiller à ce que les employeurs ne la vident pas de sa substance, souligne Annick Fayard. Et éviter le piège de la gadgétisation, avec la mise en place d'ateliers de yoga, par exemple, et de la psychologisation systématique, qui renvoie à la situation des individus alors qu'il est essentiel d'agir sur les collectifs de travail. Il est donc nécessaire de se préparer à de tels accords."

 

Conférences sur l'épuisement professionnel

Pour cela, les militants sont outillés de deux manières. Une formation "QVT-santé au travail", dispensée sur deux jours, est proposée aux élus par le Centre d'étude et de formation de l'Unsa (Céfu), un organisme interne. Dans la fonction publique, à la suite de l'accord d'octobre 2013 sur la prévention des RPS, les élus bénéficient de deux jours supplémentaires de formation, dont le contenu est à la main des organisations syndicales. "Cela nous permet de porter nos thématiques et de fournir de vrais leviers de négociation à nos mandants", commente Annick Fayard. Par ailleurs, le guide Négocier la qualité de vie au travail, mis au point il y a quatre ans, est largement diffusé dans les unions départementales et régionales, ainsi que dans les fédérations. Ce vade-mecum est le fruit d'un travail participatif qui a associé des représentants des fédérations, des élus de CHSCT et des experts du cabinet de conseil des représentants du personnel Orseu, partenaire régulier de l'Unsa. "Leurs réflexions ont été débattues au cours d'un séminaire ; puis l'ensemble de cette production intellectuelle a donné lieu à un livret, qui a été validé par la commission avant d'être publié", indique Dominique Corona. De la même manière, un guide sur le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) a été réalisé afin d'aider les militants à mettre en oeuvre un accord ou un plan d'action dans les entreprises de plus de 50 salariés. Un document qui doit être remis à jour, puisqu'une des ordonnances du 22 septembre 2017 a réduit le C3P en C2P (compte professionnel de prévention), au grand dam de l'Unsa.

 

10 années d'actions de l'Unsa
  • 2008 : lancement de la campagne de sensibilisation "Donner du sens au travail".
  • 2011 : la commission santé au travail devient la commission qualité de vie au travail.
  • 2014 : publication du guide Négocier la qualité de vie au travail.
  • 2016 : début des conférences sur le syndrome d'épuisement professionnel.
  • 2017 : publication du guide Compte personnel de prévention de la pénibilité. Le C3P mode d'emploi.

Depuis deux ans, l'organisation syndicale s'est également attaquée à la question de l'épuisement professionnel. En réponse aux demandes de plusieurs unions départementales, en quête d'informations sur le sujet, elle a créé une petite équipe mobile qui se déplace sur le terrain pour animer des conférences. Lens, Montpellier, Tours, Toulouse, Chartres... partout les mêmes témoignages accablants et la même interrogation : que faire ? A Niort, trois réunions ont rassemblé près d'un millier de participants. L'unité d'intervention est constituée du Pr Michel Debout, spécialiste des questions de RPS et de violence au travail, d'un consultant du cabinet Orseu et de Dominique Corona. "Nous exposons ce qu'est l'épuisement professionnel, d'un point de vue médical et scientifique, quelles en sont les causes, notamment celles liées à l'organisation du travail, et enfin nous proposons des pistes d'action, explique ce dernier. C'est l'occasion de défendre notre ligne syndicale sur le sujet : les élus et les militants ne sont pas des soignants, ce qui n'empêche pas d'être à l'écoute des personnes en souffrance. Mais s'il y a de l'épuisement professionnel au sein d'une entreprise ou d'une administration, cela veut dire que la prévention a échoué. Il faut donc mettre en place des interventions qui changent réellement les choses dans le quotidien du travail."

 

Des compétences menacées ?

Ces actions volontaristes risquent cependant d'être contrariées par la nouvelle donne dans la représentation du personnel. A l'instar du secteur privé, une refonte des instances représentatives, notamment une fusion des comités techniques et des CHSCT, est envisagée dans la fonction publique. "Avec la réforme des missions de l'Etat souhaitée par le gouvernement, nous nous attendons à des réorganisations majeures qui vont peser sur les conditions de travail dans les services publics, alors même que les enquêtes montrent que les RPS y sont déjà plus importants qu'ailleurs, s'inquiète Annick Fayard. L'instance de protection de la santé des salariés va être supprimée au moment où il serait essentiel de penser la prévention en amont des restructurations." La commission qu'elle coanime craint de voir disparaître les compétences en santé au travail, patiemment acquises par les syndicats et les élus. Et de voir se distendre la proximité avec les collectifs de travail, qui permet d'accéder à l'expertise des salariés et des agents pour prendre en compte le travail réel. "Cet éloignement réduit les possibilités d'action sur les conditions de travail", regrette Dominique Corona.