Les médecins du travail bientôt sous contrôle ?

par
© N. M./FNMF © N. M./FNMF
Philippe Davezies enseignant-chercheur en médecine et santé au travail
/ janvier 2010

Le système de santé au travail a toujours affiché des objectifs ambitieux tout en déployant des obstacles à une réelle prise en charge des problèmes. Lorsque des masses de travailleurs étaient exposées à des nuisances qui appelaient des mesures de prévention collective, l'activité des médecins a été rabattue sur la détermination de l'aptitude individuelle. Lorsque les atteintes au travail ont pris une allure beaucoup plus individualisée, appelant des investigations cliniques fines, il est devenu urgent de relativiser l'approche individuelle et de se focaliser sur le niveau collectif.

Les orientations proposées pour la réforme de la médecine du travail poursuivent ce mouvement. Pour le patronat, la question centrale est celle du pouvoir de direction au sein des services de santé au travail. En effet, l'activité clinique du médecin échappe au contrôle des directeurs de service. Le projet du gouvernement permet de contourner l'obstacle. Il suffit de transformer le médecin en manager de l'équipe de santé au travail, censé piloter la prévention sur la base de données collectives. Dans le même temps, le directeur est investi de l'autorité pour la mise en oeuvre des objectifs du service de santé au travail. Et le tour est joué. Dans sa fonction de manager et de gestionnaire de données, le médecin ne peut plus faire valoir son indépendance technique : il doit s'aligner sur des objectifs et agit sous l'autorité et le contrôle du directeur du service. S'il s'agissait réellement de santé au travail, cette orientation serait absurde. Si le but est de moderniser le verrouillage du système, en confiant les clés aux employeurs, c'est assez bien vu.