Les médecins du travail vigilants sur la santé mentale

par Nathalie Quéruel / juillet 2008

Avec une réforme de la médecine du travail en ligne de mire, le 30e congrès de la profession, qui s'est tenu à Tours du 3 au 6 juin, a mis l'accent sur des thèmes au coeur d'enjeux importants : la veille en santé mentale ; la pénibilité et la question du maintien dans l'emploi ; l'évaluation des pratiques professionnelles.

Au vu du nombre de participants à la session sur la veille en santé mentale, on pouvait percevoir que les risques psychosociaux restent un sujet de préoccupation majeur pour les médecins du travail. Les tout premiers résultats "provisoires" de l'enquête Samotrace ont été présentés. Ce programme de surveillance de la santé mentale en lien avec le travail a été lancé en 2003 par le département santé-travail de l'Institut de veille sanitaire (InVS) et l'université de Tours. Le volet de veille épidémiologique en entreprise a permis de recueillir des données, via 6 000 questionnaires remplis pendant leur visite périodique par des salariés tirés au sort chez des médecins du travail volontaires.

Mal-être. Ainsi, 24 % des hommes et 37 % des femmes déclarent un "mal-être". Même si des analyses plus approfondies doivent être menées, "on observe que le mal-être est associé à chacune des contraintes psychosociales mesurées : exposition au job strain selon le modèle de Karasek, déséquilibre efforts-récompenses pour celui de Siegrist1 , mais aussi violence au travail, relation pénible avec le public et incompatibilités entre horaires de travail et vie sociale...", a résumé Christine Cohidon, épidémiologiste à l'InVS.

Philippe Davezies, enseignant-chercheur en médecine du travail, a rappelé que le fait de "disposer d'un contrôle même partiel sur sa situation constitue un facteur majeur de préservation de la santé". Il s'est attaché à décrire l'enchaînement de réactions neuroendocriniennes déclenché par une situation de stress, puis le lien entre la "répression psychique des émotions" (déni et autres stratégies de désengagement) et les atteintes somatiques (troubles dépressifs et anxieux, pathologies inflammatoires). De ces éléments biologiques, il tire des enseignements pour la clinique médicale du travail, qui ne doit être "ni écoute compassionnelle, ni gestion du stress" mais doit résolument se centrer sur l'analyse du travail, afin d'aider les salariés à reconquérir leur capacité d'expression et restaurer leur "pouvoir d'agir"

 

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    Pour en savoir plus sur ces deux modèles, voir article de Michel Vézina, page 30.