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Mobilisation contre les risques professionnels chez les jeunes

par Manal Azzi spécialiste technique à l'Organisation internationale du travail (OIT) Cyril Cosme directeur du bureau de l'OIT en France / juillet 2018

Vulnérables, les jeunes travailleurs sont surexposés aux risques professionnels. Les former à la prévention constitue donc un enjeu crucial, que l'OIT avait inscrit au programme de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, le 28 avril.

Tous les 28 avril, depuis 2003, la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail est l'occasion de mettre en avant un enjeu d'actualité pour les politiques de prévention. L'Organisation internationale du travail (OIT), à l'origine de cette initiative, a choisi cette année d'attirer l'attention sur les jeunes, dans la mesure où cette tranche d'âge est déterminante pour le succès de ces politiques. En effet, ils porteront durant toute leur vie professionnelle les acquis d'une culture de prévention ou pourront, en revanche, souffrir de ses insuffisances. Inscrire la prévention dans l'éducation et la formation initiale est à cet égard essentiel.

Les jeunes sont en situation de vulnérabilité, pour toute une série de raisons liées à leur faible expérience professionnelle et à leur surreprésentation parmi les populations les plus touchées par la précarité et le chômage. D'un point de vue physiologique et psychologique, ils ne sont pas encore parvenus à la maturité de leur développement. L'âge peut ainsi amplifier certains risques en milieu de travail, qu'il s'agisse des risques psychosociaux ou de l'exposition à des matières dangereuses.

 

Un taux d'accidents du travail supérieur de 40 % à la moyenne

Un chiffre donne la mesure de la situation de vulnérabilité des jeunes de moins de 25 ans : ils connaissent un taux d'accidents du travail supérieur d'au moins 40 % à la moyenne. Issue d'une étude de l'Union européenne, cette estimation est probablement, à l'échelle mondiale, inférieure à la réalité. Une conclusion s'impose, au coeur du rapport présenté par l'OIT à l'occasion de cette Journée mondiale (voir "A lire") : plus exposés que les autres en milieu de travail, les jeunes font face à des facteurs de risque spécifiques.

Ces facteurs peuvent être directement liés à l'âge. C'est le cas du facteur physiologique et physique ou du manque d'expérience, évoqués plus haut. Les jeunes sont aussi davantage présents dans certaines catégories particulièrement vulnérables, telles que les travailleurs migrants ou les travailleurs domestiques. Par ailleurs, dans les pays en développement, ils sont les plus concernés par l'emploi dans le secteur informel, en particulier dans l'agriculture et le bâtiment.

Selon une estimation de l'OIT, parmi les 200 millions de chômeurs dans le monde, 71 millions ont moins de 25 ans, soit un taux moyen de 13 %, contre 5,5 % pour l'ensemble de la population. On retrouve un écart de 1 à 2 ou de 1 à 3 entre le taux de chômage des jeunes et celui tous âges confondus dans la plupart des pays et des régions du monde. Cette précarité se mesure aussi à travers le phénomène des travailleurs pauvres, qui touche davantage les jeunes travailleurs que les autres : ils connaissent un risque de pauvreté de 38 %, contre 26 % en moyenne.

 

Lancement de la campagne "Génération sécurité & santé"

L'OIT est une organisation normative, créée en 1919 afin de développer des règles internationales visant la protection des travailleurs, l'amélioration des conditions de travail et le dialogue social. Dans cette perspective, elle a adopté une quarantaine de conventions comportant des dispositions dans le domaine des risques professionnels, en ciblant d'abord des secteurs d'activité spécifiques, puis la couverture des risques par une assurance et, enfin, la prévention, qui fut l'objet de la convention de 2006. C'est en cohérence avec cette orientation politique que l'OIT a lancée, à l'occasion de la Journée mondiale, une vaste campagne dédiée aux jeunes intitulée "Génération sécurité & santé".

Cette campagne est un encouragement, pour les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait, à ratifier les conventions internationales concernant d'une part la santé et la sécurité au travail, d'autre part le travail des enfants, soit la convention 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, la 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail - dont le Plan santé au travail en France est un exemple concret de mise en oeuvre - et la 184 sur la sécurité et la santé dans l'agriculture. Et enfin les deux conventions fondamentales sur le travail des enfants, à savoir la 138 relative à l'âge minimum pour travailler et la 182 portant sur l'élimination des pires formes du travail des enfants.

 

Coopération technique

Au-delà de la ratification de ces conventions, cette campagne constitue surtout un moyen de renforcer l'appropriation des objectifs et des moyens des politiques de prévention par les acteurs du monde du travail, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. En effet, les normes internationales de l'OIT ont pour finalité de doter les travailleurs et les employeurs, ainsi que leurs représentants, des compétences et des moyens juridiques permettant d'agir en faveur de la prévention, grâce au dialogue social, à l'action syndicale et à la négociation collective. C'est la raison pour laquelle l'OIT propose et met en oeuvre des programmes de coopération technique qui visent à rendre effective l'application des conventions, en travaillant concrètement en vue de cette appropriation.

 

La lutte contre le travail des enfants, enjeu majeur pour l'éducation et la santé des jeunes

La promotion de lieux de travail sains et sûrs pour les jeunes et l'élimination du travail des enfants sont étroitement imbriquées dans la recherche d'un modèle de développement et de croissance assis sur le respect des droits et leur effectivité. C'est pourquoi l'Organisation internationale du travail (OIT) a centré sur ce double thème la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, le 28 avril, et celle contre le travail des enfants, le 12 juin.

Dans le monde, 168 millions d'enfants travaillent au lieu d'être à l'école ou en formation et 72 millions d'entre eux sont employés à des tâches dangereuses. Une situation préoccupante à laquelle les Etats membres de l'OIT sont tenus de mettre fin, dès lors qu'ils ont ratifié la convention 138 de l'Organisation. Celle-ci porte en effet sur l'obligation de fixer un âge minimum d'admission à l'emploi (en général 16 ans) et d'appliquer des mesures spécifiques de protection de la santé des jeunes. Le programme international de coopération technique pour l'élimination du travail des enfants IPEC+ constitue aujourd'hui l'engagement le plus important de l'OIT auprès de ses membres.

Deux autres orientations méritent également d'être mentionnées. Il s'agit tout d'abord de la collecte et du traitement des données, indispensables pour assurer l'efficacité des politiques en matière de prévention, puisque c'est la condition pour les évaluer et les orienter, au niveau intersectoriel comme au niveau de l'entreprise. Par ailleurs, la prévention devrait figurer le plus en amont possible des cursus, y compris en formation initiale. L'enjeu est de permettre aux jeunes de devenir des acteurs avertis et engagés dans la préservation et la santé au travail. L'impact bénéfique d'une telle évolution a pu être mesuré par plusieurs études dans le monde, y compris récemment en France par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS)1 , partenaire de l'OIT pour la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail.

  • 1

    Publiés en février dernier, les résultats d'une étude épidémiologique menée par l'INRS révèlent que les jeunes de moins de 25 ans formés en santé et sécurité au travail pendant leur scolarité ont deux fois moins d'accidents du travail que les autres.

En savoir plus
  • "Améliorer la sécurité et la santé des jeunes travailleurs", rapport de l'Organisation internationale du travail (2018), qui peut être téléchargé sur le site de l'OIT (ilo.org