© Gérard Monico/FNMF

Le destin précaire des jeunes travailleurs

par François Desriaux / juillet 2013

Pour tenter de se faire une place au soleil, les jeunes doivent enchaîner petits boulots et intérim, ou obtenir de haute lutte un stage aussi précieux que peu rémunéré, avant d'avoir peut-être, un jour, l'immense privilège de décrocher un contrat à durée déterminée.

C'est sûr que ce parcours initiatique calme les ardeurs revendicatives des candidats à l'emploi et les conditionne très jeunes aux exigences des entreprises : un engagement personnel "corps et âme". Parfois au prix d'une usure prématurée.

Passe encore si ce chemin de croix permettait d'accéder à un emploi stable. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Le chômage des jeunes est un fléau. Mais, pour beaucoup d'entre eux, le travail aussi - surtout s'ils ne sont pas diplômés. Aux échecs et aux inégalités scolaires vont succéder des emplois précaires, des conditions de travail plus pénibles et plus éprouvantes pour la santé. Si, de surcroît, celle-ci a été malmenée par des conditions de vie difficiles, il y a peu de chances que le travail joue un rôle bénéfique d'intégration.

Le travail des moins de 25 ans sous contraintes

par Céline Mardon chercheuse au Centre d'études de l'emploi Anne-Françoise Molinié chercheuse au Centre d'études de l'emploi / juillet 2013

Selon l'enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels, les moins de 25 ans sont particulièrement exposés à des contraintes physiques, les jeunes femmes étant en outre confrontées aux horaires atypiques.

Si l'emploi des jeunes est une priorité affichée des politiques, les conditions dans lesquelles ils se retrouvent au travail restent souvent dans l'ombre. En quoi celles-ci diffèrent-elles ou ressemblent-elles à celles des salariés plus âgés ? Qu'en disent les jeunes interrogés lors de l'enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) de 2010 ?

Plus ils sont jeunes, plus les jeunes interrogés ont un statut professionnel précaire. Avant 25 ans, près d'un jeune sur deux, homme comme femme, a un statut précaire1 (ni en CDI, ni titulaire d'un statut public). Cette précarité se décline différemment selon le genre. Côté masculin, il s'agit surtout de contrats d'apprentissage (19 % des hommes de moins de 25 ans) ou à durée déterminée (17 %), avec 7 % d'intérimaires. Les jeunes femmes sont un peu plus rarement apprenties (13 %) ou en intérim (3 %), mais davantage en CDD (28 %). Ces emplois sont aussi souvent à temps partiel imposé, surtout pour les jeunes femmes : 38 % d'entre elles travaillent à temps partiel (contre 18 % des jeunes hommes) et 60 % soulignent que ce n'est pas un choix de leur part (de même que la moitié des hommes).

Ces dernières sont aussi en première ligne pour les contraintes horaires. Ainsi, 40 % des femmes de moins de 25 ans n'ont pas les mêmes horaires tous les jours, 49 % travaillent occasionnellement ou régulièrement le dimanche ou les jours fériés, 22 % sont en travail posté - ces proportions diminuant régulièrement avec l'âge. Des contraintes moins marquées chez les jeunes hommes, pour qui ces proportions sont respectivement de 23 %, 33 % et 16 %, et peu différentes de celles constatées chez les hommes plus âgés.

Postures pénibles

Du côté des contraintes physiques, il ne fait pas bon être jeune. Un tiers des jeunes hommes et 21 % des jeunes femmes travaillent au moins deux heures par semaine dans une posture particulièrement contraignante (bras en l'air, à genoux, en position accroupie, en torsion...). Et ils sont respectivement 18 % et 10 % à faire au moins dix heures par semaine de la manutention manuelle de charges. Au bout du compte, parmi les moins de 25 ans, ce sont 56 % des hommes et 46 % des femmes qui sont exposés à au moins une contrainte physique intense (contrainte posturale, répétitivité gestuelle, manutention manuelle, station debout ou piétinement...), soit nettement plus que dans les autres tranches d'âge.

Au regard de l'intensité du travail, les différences de perception entre jeunes et plus âgés sont un peu plus nuancées. Les moins de 25 ans signalent plus souvent qu'ils ne peuvent pas interrompre momentanément leur travail quand ils le souhaitent (32 % des femmes, 20 % des hommes), que leur rythme de travail dépend de contrôles ou d'une surveillance de la hiérarchie (35 % des femmes, 38 % des hommes) ou de normes de production ou délais à respecter en une heure au plus (27 % des hommes, 25 % des femmes). Et plus de 60 % des jeunes femmes indiquent qu'elles sont confrontées à une demande extérieure exigeant une réponse immédiate. Mais ces jeunes expriment moins souvent que les plus âgés le sentiment de devoir toujours ou souvent se dépêcher pour faire leur travail ou de ne pas avoir les moyens pour l'effectuer correctement. Ils trouvent également plus souvent des possibilités de coopération (échanges d'informations, entraide).

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    Il est à noter que ces résultats ne concernent que des jeunes bénéficiant de visites systématiques de médecine du travail et interrogés dans ce cadre, conformément au dispositif de l'enquête Sumer.