" Nous avons organisé des consultations médicales militantes "

par Martine Rossard / avril 2008

Comment avez-vous été impliqué dans la grève de Penarroya ?

Michel Leclercq : Je militais aux Cahiers de Mai, qui relayaient le courant de luttes sociales porteur de pratiques collectives et unitaires né de Mai 68. En 1971, nous avons été contactés par des ouvriers de Penarroya à Saint-Denis, qui souhaitaient entrer en relation avec leurs collègues des usines d'Escaudoeuvres, dans le Nord-Pas-de-Calais, et de Gerland, à Lyon, où j'habitais. Pendant un an, nous avons aidé les ouvriers à tisser des liens entre les trois usines, à préparer leur plan de bataille commun et à constituer un comité de soutien chargé d'expliquer à l'extérieur les raisons de leur lutte.

Vous êtes alors entré dans l'usine de Gerland. Qu'avez-vous constaté ?

M. L. : Nous sommes allés devant l'usine pour distribuer la lettre collective des ouvriers de Saint-Denis. Nous avons été invités à entrer et à boire le thé dans les bungalows de logement situés au sein même de l'usine. Les conditions de travail et de logement étaient " dégueulasses ". Les trois ateliers de l'usine (récupération de plomb, aluminium et bronze) fonctionnaient à feu continu. Il n'y avait ni ventilateur ni extracteur et les fumées envahissaient les bungalows à chaque chargement des fours. Les ouvriers n'avaient aucune protection individuelle et les accidents de travail étaient très nombreux.

Comment avez-vous participé à la lutte contre la maladie du plomb ?

M. L. : En tant que biologiste, travaillant à l'Institut Pasteur de Lyon, j'ai animé un groupe de travail composé de médecins et de travailleurs de la santé au sein du comité de soutien. Avant et pendant la grève, les ouvriers nous ont demandé de les aider à se soigner et à se protéger contre le plomb. Nous avons organisé des consultations médicales militantes sur le site même et développé une explication commune de la maladie du plomb qui a servi à élaborer les revendications de prévention collective. Les examens pratiqués par la médecine du travail ne servaient pas à grand-chose et nous avons commencé à militer pour des examens biologiques plus poussés, permettant une détection précoce du saturnisme. Après la grève, l'action des ouvriers et du comité de soutien a continué pour la réalisation de ces examens. Avec des prises de sang pratiquées dans un foyer Socotra, puis envoyées à de grands spécialistes. Ces actions ont abouti à la prise en charge de ces examens par la caisse locale de Sécurité sociale, puis, en 1977, à la prise en compte des syndromes biologiques dans la reconnaissance des maladies professionnelles dues au plomb.