Partenaires sociaux : accord unanime contre les violences au travail

par Eric Berger / juillet 2010

Patronat et syndicats ont signé en mars dernier un accord national interprofessionnel sur la prévention du harcèlement et de la violence au travail. Nouveauté majeure de ce texte : la prise en compte d'un lien potentiel avec l'organisation du travail.

La transposition en droit français de l'accord-cadre européen sur le stress et le harcèlement moral au travail aura été le théâtre d'une rare unanimité de la part des partenaires sociaux. Premier épisode en 2008, avec la signature par l'ensemble des organisations patronales et syndicales d'un accord sur le stress. Bis repetita, en mars dernier, avec le texte sur le harcèlement moral et la violence au travail. Aucune signature n'a fait défaut. Et pourtant, l'issue des discussions est restée longtemps incertaine, suspendue à un point particulier : le rôle de l'organisation du travail et du management dans les phénomènes de violence et de harcèlement. Le Medef a longtemps résisté à reconnaître une quelconque responsabilité de l'entreprise, cela même alors qu'une jurisprudence avait mis en cause les modes de gestion dans une affaire de harcèlement. " Les représentants des employeurs ne voulaient pas envisager ce sujet autrement que sous l'angle de problèmes liés à des relations interpersonnelles ", rapporte Jean-Marc Bilquez, de Force ouvrière.

L'unique surprise

Affichant un front uni, les syndicats ont fini, après plusieurs mois de négociation, par obtenir gain de cause. Le texte de l'accord précise, dans une formulation pour le moins alambiquée, que " les phénomènes de stress, lorsqu'ils découlent de facteurs tenant à l'organisation du travail, l'environnement de travail ou une mauvaise communication dans l'entreprise, peuvent conduire à des situations de harcèlement et de violence au travail plus difficiles à identifier ". Il ajoute que les situations de violence ou harcèlement constatées seront examinées au regard de plusieurs éléments, dont les comportements individuels, mais aussi les relations avec la clientèle, les modes de management et de fonctionnement de l'entreprise.

Cette acceptation du facteur organisationnel est la grande surprise de cet accord. Peut-être même l'unique. Ceux qui s'attendent à trouver de nouveaux outils ou obligations, ou un renforcement du rôle du CHSCT, risquent d'être déçus. En matière de prévention, les entreprises devront certes rédiger une charte de référence, mentionnant l'interdiction de ces pratiques et indiquant les procédures à suivre si un cas survient. De même, le règlement intérieur devra préciser les sanctions applicables aux auteurs de tels agissements. Les autres mesures prennent la forme de recommandations. Les branches sont ainsi incitées à se mobiliser pour mettre en place des formations et une sensibilisation à la violence et au harcèlement.

" C'est un progrès par rapport à l'accord de 2008 sur le stress ", note Jean-Marc Bilquez. Le patronat avait alors refusé tout renvoi de discussion au niveau des branches professionnelles. Pour Philippe Maussion, de la CFDT, ce texte prend en compte les petites entreprises, " alors que l'accord-cadre européen les avait exclues du champ d'application ". Il se réjouit aussi de la place accordée aux violences faites aux femmes. " On ne va pas masquer les limites de ce texte, souligne pour sa part Jean-François Naton, de la CGT, mais nous venons d'une situation de déni de ces problèmes si profondément ancrée qu'il faut le considérer comme un pas significatif. Cet accord est un argument de plus qui va permettre de faire de la question du travail une priorité revendicative. " Durant la négociation, de nombreux éléments ont pesé, notamment la médiatisation des suicides à France Télécom. Faudra-t-il de nouveaux drames pour maintenir la pression et convaincre les acteurs de l'urgence d'agir ?

En savoir plus