La plaie des cancers professionnels

par Clotilde de Gastines / 19 juin 2017

Plus de deux millions et demi de salariés sont exposés à au moins une substance cancérogène sur leur lieu de travail. Une nouvelle analyse alarmante menée par l’agence Santé publique France, qui s’intéresse aussi aux nombreuses polyexpositions.

2,6 millions de salariés sont exposés à au moins une substance cancérogène, soit 12 % de la population active. Un résultat qui se base sur une analyse réalisée en 2010 auprès d'un échantillon représentatif de 48 000 actifs. Ces chiffres ont été publiés le 13 juin dernier dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), à partir d’une nouvelle exploitation, effectuée par l’agence Santé publique France, des données de l’enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels). L’agence s’est notamment basée sur l’exposition ou les multiexpositions à 24 agents chimiques parmi les plus courants, aux rayonnements ionisants ainsi qu’au travail de nuit chez les femmes. On retiendra qu’en 2010 les hommes étaient nettement plus exposés que les femmes – 2 millions d’hommes, contre 600 000 femmes – et qu’environ 757 000 salariés présentaient une exposition à au moins deux produits cancérogènes.

Du BTP à la coiffure

« Chez les hommes, les nuisances les plus fréquentes étaient les émissions de moteurs diesel, les huiles minérales entières, les poussières de bois et la silice cristalline, peut-on lire dans le BEH. Chez les femmes, les plus fréquentes étaient le travail de nuit, l’exposition aux rayonnements ionisants, puis au formaldéhyde et aux médicaments cytostatiques. Les salariés concernés étaient principalement des hommes ouvriers du bâtiment et des travaux publics, de la maintenance, du travail des métaux, des transports et de la réparation automobile, ainsi que des femmes des professions de santé (infirmières, sages-femmes et aides-soignantes), des coiffeuses, esthéticiennes et du personnel des industries de process. »

D’autres données inquiétantes ont été fournies lors du colloque du Giscop 93 (Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle en Seine-Saint-Denis) qui s’est tenu début juin pour dresser un bilan de ses quinze ans d’activité. Depuis l’origine de cette initiative, plusieurs structures hospitalières (Avicenne, Robert-Ballanger et Le Raincy-Montfermeil, la fédération d’urologie de la Seine-Saint-Denis) de ce département d’Ile-de-France adressent au Giscop les malades atteints de cancers. L’équipe pluridisplinaire du groupement constate que, parmi les salariés malades, 90 % des hommes et 64 % des femmes ont été exposés à au moins une substance cancérogène avérée au cours de leur vie professionnelle. Et que 80,8 % des hommes et 37,6 % des femmes l’ont été à au moins deux. Selon Benjamin Lysaniuk, directeur du Giscop 93, il est « préoccupant qu’il n’existe pas actuellement de tableau de reconnaissance en maladie professionnelle prenant en compte une polyexposition ».

D’autant qu’en France le nombre de cancers d’origine professionnelle est en général sous-évalué. Aujourd’hui, on estime qu’ils représentent entre 4 à 8,5 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancer, soit entre 14 000 et 30 000 nouveaux cas par an.

 

 

PLUS DUR POUR LES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS

Les personnes handicapées ont trois fois moins de chances d’être en emploi que les personnes non handicapées, et deux fois plus de risques d’être au chômage. C’est ce que révèle « Travailleurs handicapés : quel accès à l'emploi en 2015 ? », une étude du ministère du Travail publiée en mai dernier dans Dares Analyses.

En 2015, 938 000 personnes bénéficiant d'une reconnaissance administrative du handicap sont en emploi (477 000 hommes et 461 000 femmes). Comparativement aux personnes non handicapées, elles occupent plus souvent un emploi d’ouvrier non qualifié, travaillent plus souvent à temps partiel et connaissent des périodes de chômage plus longues.

 

 

LA PRÉVENTION, C’EST RENTABLE !

Investir dans la prévention et le bien-être au travail est gage de performance des petites et moyennes entreprises. Eurogip, l’organisme français chargé d'étudier les questions relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles au niveau européen, a publié une note citant plusieurs expériences de retour sur investissement de la prévention en santé au travail en Europe. Un travailleur sur dix est confronté à un problème de santé lié au travail, selon Eurostat. Ce qui représente un poids pour tous les acteurs économiques : la victime, ses proches, les collègues de travail, l'entreprise, l'organisme d'assurance AT-MP, l'Etat et la société en général.

Dans le bâtiment, l'Organisme professionnel de prévention (OPPBTP) constate qu'en moyenne 1 euro investi procure un retour sur investissement de 2,19 euros.