Des promesses

par François Desriaux rédacteur en chef / juillet 2013

Ça valait le coup d'attendre. S'il est arrivé en retard à son premier Conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct), Michel Sapin s'est rattrapé avec un discours offensif sur le travail. "Enfin !", seraient tentés de dire ceux qui désespéraient que le locataire de Grenelle se rappelle qu'il est aussi ministre du Travail et pas seulement de l'Emploi. Ses mots étaient forts : "J'ai l'ambition de remettre le travail, le travail conçu comme une ressource, au centre des débats dans les entreprises." Ou encore : "La qualité du travail est une nécessité économique." Son programme est ambitieux. Elaboration d'un nouveau plan santé travail - le troisième du nom -, prévention de la pénibilité et mise en oeuvre du chantier de la qualité de vie au travail à partir de l'accord entre partenaires sociaux. Et en prime, contrairement à l'an passé où le thème avait été absent, la santé au travail est au programme de la grande conférence sociale de l'été, conformément aux voeux du président de la République et du Premier ministre. Applaudissements.

Sur le plan des idées et de l'affichage politique, le ministre n'a pas oublié grand-chose. Y compris de s'interroger sur la façon dont a été mise en oeuvre la réforme des services de santé au travail de 2011 et sur l'efficacité du système de prévention. Or, sur ces questions, des doutes sérieux existent quant à l'atteinte des objectifs. Le patronat a clairement accru son emprise sur la gestion des services et les missions des médecins du travail, alors que les syndicats n'ont pas les ressources pour jouer le rôle de contre-pouvoir attendu par la réforme. Quant à la lutte contre les deux fléaux que sont les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux, le moins qu'on puisse dire, c'est que des marges de progrès existent. Il y a donc du pain sur la planche.

Sauf que, pour mettre en oeuvre les annonces du ministre, il faudrait réunir des moyens conséquents. Et là, l'intendance ne suit pas. Le ministre du Budget a annoncé une réduction de 10 % des moyens accordés à la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la Sécu, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion avec l'Etat. Cela va frapper directement les services prévention des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Très grosse inquiétude également du côté de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses), en charge du travail, et de l'Institut de veille sanitaire (InVS). Les restrictions budgétaires risquent d'entamer leurs capacités de recherche et, à terme, leur socle de compétence. Enfin, une réforme de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et de ses associations régionales (Aract) est annoncée. Ces structures, qui devraient jouer un rôle majeur dans l'aide aux entreprises face au défi de la pénibilité, risquent, par manque de moyens, de passer totalement à côté du sujet.

L'affiche était donc prometteuse, mais la réalité risque d'être douloureuse pour les salariés, à qui on va demander de rester plus longtemps au travail avant la retraite. Ou plutôt au chômage pour ceux dont l'état de santé ne supportera pas la persistance de travaux pénibles.