© Nathanaël Mergui/FNMF
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Rebondissements dans l’affaire du glyphosate

par Clotilde de Gastines / 22 janvier 2019

Ces dernières semaines, un rapport européen d’experts et une décision de justice française sont venus rappeler que les risques présentés par le glyphosate, et les pesticides qui en contiennent, n’ont pas forcément été évalués de manière fiable.

La décision européenne d'autoriser à nouveau en 2017 pour cinq ans l'utilisation du glyphosate, substance suspectée d’être cancérogène, a-t-elle été prise sur de mauvaises bases scientifiques ? C’est ce que laisse penser un récent rapport d’experts en plagiat, commandité par des eurodéputés et révélé par Le Monde.
Ce rapport montre que l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (Bundesinstitut für Risikobewertung ou BfR), chargé par les autorités européennes de trancher la question de la dangerosité de la substance, a plagié ou recopié les données et arguments fournis par la firme Monsanto, fabricante du fameux herbicide Roundup à base de glyphosate, et par ses alliés industriels dans le cadre de la procédure d’homologation de leurs produits. Ce plagiat ou recopiage est particulièrement présent dans l’étude de la littérature scientifique sur les risques liés au glyphosate, l’un chapitres-clefs de l’évaluation menée par le BfR. Or cette évaluation a servi de caution au renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Pour sa défense, le BfR affirme que les données reprises ou intégrées sans mention de l’auteur dans son évaluation ont été préalablement validées scientifiquement par ses équipes.

Le Roundup Pro 360 finalement interdit

Si l’autorisation du glyphosate fait débat en Europe, elle est aussi sujette à litiges dans l’Hexagone. Comme en témoigne une récente décision de justice sur l’interdiction en France du Roundup Pro 360, l’un des principaux désherbants professionnels à base de glyphosate commercialisé par Monsanto. Le 15 janvier dernier, le tribunal administratif de Lyon a décidé d’annuler son autorisation de mise sur le marché, validée en mars 2017 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Il donne ainsi raison à une requête déposée en mai 2017 par le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen), que dirige l’avocate et femme politique Corinne Lepage.
Les juges ont considéré que « l’utilisation du Roundup Pro 360 porte une atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé ». Ils estiment que l’herbicide, du fait de sa composition, est « probablement cancérogène pour l’homme » et suspecté « d’être toxique pour la reproduction humaine ». Selon eux, la toxicité du produit, constitué de glyphosate à 41,5 % mais aussi d’autres substances dangereuses, n’a pas été bien étudiée par l’Anses. Celle-ci aurait omis dans son évaluation la toxicité des co-formulants. En outre, selon le jugement, l’Anses s’est appuyée sur une précédente évaluation des risques, relative à l’ancêtre du Roundup Pro 360, le Typhon. Or leur composition n’est pas strictement identique.

« Erreur d’appréciation »

« L’Anses a commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution défini par l’article 5 de la charte de l’environnement », concluent entre autres les juges. Dans un communiqué, l’agence a contesté « toute erreur d’appréciation dans l’application de la réglementation nationale et européenne », ajoutant que, dès 2016, elle « a été la première autorité nationale à retirer les autorisations de mise sur le marché de 126 produits à base de glyphosate contenant un co-formulant potentiellement génotoxique ».
Enfin, le glyphosate a aussi été la vedette de l’émission « Envoyé spécial », le 17 janvier, sur France 2. Lors de celle-ci, il a été rappelé que des documents internes, issus des « Monsanto papers », attestent que la firme cache depuis 1984 l’aspect cancérogène du glyphosate. Des reporters ont notamment confronté des scientifiques renommés, qui ont accepté d’apposer leurs signatures sur des « brouillons de qualité » rédigés par Monsanto, parfois en échange de rémunérations importantes. Les actions en justice engagées aux USA contre Monsanto par des victimes déclarées du pesticide Roundup ont également été abordées.