Les risques psychosociaux au banc d'essai

par Corinne Renou-Nativel / avril 2016

Une étude publiée récemment par le ministère du Travail compare les secteurs, professions et situations de travail, afin de définir ceux et celles qui sont les plus exposés aux risques psychosociaux ou les plus à risque.

Changement des modes d'organisation, évolution du management, développement du travail précaire, complexification des tâches ont, depuis une trentaine d'années, accru les risques psychosociaux. Afin d'y voir plus clair, la direction de l'Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail a publié en janvier1 une analyse des liens entre organisation du travail et risques psychosociaux (RPS), sur la base des données de l'enquête Surveillance médicale des risques (Sumer) de 2010. Cette étude définit quelles sont les populations salariées les plus exposées au travail sous tension, ou job strain, et au manque de reconnaissance, tous deux sources de RPS, ainsi que les situations de travail les plus propices à ces facteurs de risque, en vue d'améliorer la prévention.

Les employés administratifs, les ouvriers non qualifiés et les employés du commerce et des services sont ainsi particulièrement exposés au job strain : ils cumulent une forte demande psychologique avec une faible latitude décisionnelle. Le manque de reconnaissance concerne davantage les métiers de l'industrie, des transports, de la logistique et du tourisme - hormis les cadres. La fonction publique hospitalière se révèle particulièrement à risque, avec une exposition importante au job strain, un manque de reconnaissance et une quantité de travail excessive, notamment pour les aides-soignantes et les infirmières.

Les femmes sous tension

Bénéficiant de moins d'autonomie et de marges de manoeuvre, les femmes ressentent globalement davantage de tension au travail que les hommes. En revanche, ces derniers se plaignent plus du manque de reconnaissance lorsqu'ils occupent des postes d'exécutants majoritairement féminins (nettoyage, secrétariat, accueil, etc.). On ne sera pas surpris d'apprendre que les femmes font état plus fréquemment de comportements sexistes dans les milieux professionnels à dominante masculine.

Concernant l'organisation du travail, le fait de dépasser les horaires officiels, de devoir constamment s'interrompre dans une tâche pour une autre, d'être exposé à la pénibilité physique et à au moins trois contraintes de rythme de travail renforce les RPS. Travailler avec du public en vivant des tensions est également un facteur aggravant, alors que ce contact avec le public, sans tension, se révèle protecteur. Les objectifs ont un effet nocif lorsqu'ils sont en inadéquation avec les moyens disponibles pour faire un travail de qualité ; chiffrés, ils augmentent la pression ressentie. A l'inverse, l'entretien d'évaluation individuel et annuel protège contre le manque de reconnaissance quand il renforce l'autonomie et le soutien.

Enfin, l'étude montre que les salariés les plus exposés aux RPS sont aussi ceux qui perçoivent leur santé mentale et physique comme la plus altérée. Le manque de reconnaissance et la tension au travail augmentent de façon significative la probabilité de signaler un état de santé insatisfaisant, le risque de présenter des symptômes dépressifs ou anxieux, la fréquence des accidents du travail et l'absentéisme.

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    "L'organisation du travail à l'épreuve des risques psychosociaux", Dares analyses n° 4, janvier 2016. Disponible sur www.travail-emploi.gouv.fr