Les seniors en manque de reconnaissance

par Milène Leroy / janvier 2009

Les salariés de plus de 50 ans souffrent d'un manque de reconnaissance au travail, qui les pousserait à partir plus tôt en retraite. C'est l'un des constats dressés lors du colloque "Pénibilité du travail, santé et retraite" organisé en novembre dernier.

Quel est le poids de la pénibilité au travail et de l'état de santé dans le souhait des seniors de partir en retraite ? Cette question concerne moins de la moitié des personnes de 55-64 ans puisque, en France, moins de 40 % d'entre elles sont encore au travail. Cependant, parmi les salariés quinquagénaires, 57 % aimeraient partir rapidement en retraite. Ces données ont été délivrées à l'occasion du colloque "Pénibilité du travail, santé et retraite", organisé le 28 novembre, à Paris, dans le cadre du projet de recherche "Pensare". Porté par l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) et par le Centre d'études de l'emploi (CEE), ce projet vise à étudier les liens entre la sortie du marché du travail vers la retraite, l'état de santé des seniors et la pénibilité du travail.

Thierry Debrand, maître de recherche à l'Irdes, a étudié la question au niveau européen. Le système de protection sociale joue certes un rôle dans le désir de partir : "Plus le niveau de la pension par rapport au dernier salaire est élevé, plus les personnes souhaitent partir tôt à la retraite", observe-t-il. Mais il constate aussi que les travailleurs de plus de 50 ans, en France, souffrent d'un manque de reconnaissance. Cette forme de pénibilité, ainsi que l'absence de soutien des collègues ou de la hiérarchie, explique en partie le désir des seniors de quitter rapidement leur emploi. A contrario, même si le travail est jugé pénible physiquement, ou se déroule sous une forte pression psychologique, les salariés sont prêts à rester s'ils se sentent reconnus. Ceux qui expriment le souhait de partir le plus vite possible mettent en avant des problèmes de santé, de faibles perspectives d'avancement ou un manque de liberté.

Santé et maintien dans l'emploi. Pour sa part, Marc-Antoine Estrade, du Centre d'analyse stratégique1 , s'est penché sur les perspectives de maintien dans l'emploi des seniors selon leur activité. Avec la suppression des préretraites ou des dispenses de recherche d'emploi, ce chercheur pronostique la mise en place de mécanismes de substitution. "On peut très bien imaginer qu'à l'avenir il y aura une augmentation des départs pour raisons de santé", suggère-t-il.

Ce chercheur a identifié trois groupes d'entreprises. Tout d'abord, les secteurs où la demande de travail est faible - textile, métallurgie - et dont les entreprises ne feront probablement pas d'efforts pour garder leurs salariés, en s'appuyant sur leurs problèmes de santé. Ensuite, des métiers pour lesquels il existe une forte offre d'emplois. Ces métiers représentent 40 % des actifs, dont beaucoup de cadres et des professions intermédiaires. "On peut penser que, pour ce cas, les entreprises mettront en place un mécanisme spontanément vertueux afin que les personnes restent plus longtemps à leur poste", indique Marc-Antoine Estrade. Enfin, un troisième groupe, à l'image du BTP, où l'offre d'emplois est forte, mais où il y a des problèmes de santé en fin de carrière et où "il peut y avoir contradiction entre ces deux besoins", note Marc-Antoine Estrade. Un tiers des 50 ans et plus seraient concernés.

  • 1

    Organisme rattaché à Matignon remplaçant aujourd'hui le Commissariat général du plan.