Un effet cocktail lié au mélange des perturbateurs endocriniens

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Gérard Lasfargues professeur en médecine du travail
/ octobre 2015

Il y a bien un "effet cocktail" lié au mélange de perturbateurs endocriniens. Des chercheurs français viennent de mettre en évidence le mécanisme cellulaire suivant lequel un estrogène, l'éthinylestradiol, et un pesticide organochloré ont la capacité de se fixer simultanément à un récepteur situé dans le noyau des cellules et de l'activer de façon synergique. Le mélange des deux substances est ainsi susceptible d'induire un effet toxique à des concentrations nettement plus faibles que les molécules testées séparément. Cette découverte, publiée par la prestigieuse revue scientifique Nature Communications, vient s'ajouter à de nombreux travaux indiquant la possibilité d'effets potentialisateurs pour les mélanges de perturbateurs endocriniens. Elle confirme la pertinence et la nécessité de changements profonds dans les approches toxicologiques. Car de tels effets sont peu, voire non pris en compte dans les méthodes d'évaluation des risques ou l'élaboration de valeurs de référence pour ces substances chimiques. Sachant que les critères réglementaires européens de définition des perturbateurs ne sont toujours pas validés et que l'échéance des travaux pour le faire a été repoussée une nouvelle fois... à fin 2016, la prévention est largement à la traîne par rapport à ces nouvelles connaissances. Sachant encore que cet effet cocktail peut aussi concerner les mélanges d'autres agents présents en milieu de travail, comme les cancérogènes, on mesure les défis qui nous attendent.

Il apparaît bien sûr illusoire de tester la toxicité des combinaisons infinies de multiples agents chimiques auxquels sont exposés de nombreux travailleurs. En revanche, il est possible d'identifier pour un contaminant, ou des familles de contaminants, les récepteurs activés au niveau des cellules, ainsi que les principales voies de toxicité. Et ce, afin d'améliorer l'évaluation des risques et d'édicter de nouvelles normes réglementaires. Mais tout cela prendra du temps. D'ici là, le principe de précaution doit donc s'imposer.