Vive la grippe !

par
© N. M./FNMF © N. M./FNMF
Anne Flottes psychodynamicienne du travail
/ octobre 2009

H1N1 en fait de belles ! Voilà que, tout à coup, les maladies ne sont plus seulement des fragilités personnelles à détecter, et les salariés, des coûts à réduire. L'utilité des travailleurs ne se verrait-elle que lorsqu'ils manquent ?

La construction fébrile de " plans de continuité de l'activité " prend à contre-pied les politiques de gestion des " ressources humaines " de ces dernières décennies. Dans bien des secteurs, immédiatement déclarés prioritaires, il apparaît que la gestion des absences " normales " relève déjà de la prouesse quotidienne et que les conditions de travail désastreuses ont fait fuir des compétences qui feront défaut. Alors, imaginer comment faire tourner un service avec 50 % de personnel en moins donne la fièvre.

Quant à l'hécatombe qui risque d'atteindre les personnes en situation précaire, mieux vaut ne pas y penser. L'ennui, c'est que les travailleuses pauvres et dévalorisées sont justement celles qui gardent nos enfants, nous soignent, assurent notre hygiène, etc. D'autres, privés de leur suractivité habituelle par la maladie ou l'arrêt des injonctions hiérarchiques, risqueront de percevoir ce que leur travail a d'artificiel. Et ce doute pourrait les perturber plus que le virus.

Après coup, avant de se précipiter sur l'évier débordant de vaisselle sale en attente, l'urgence ne serait-elle pas de prendre le temps de s'interroger sur l'utilité de chaque activité ? Se pourrait-il que, entre crise et grippe, les illusions de toute-puissance - celle qu'on exige des autres ou celle qu'on veut croire pour soi - soient un peu ébranlées ?