© Assemblée nationale
© Assemblée nationale

Compromis final autour de la loi sur la santé au travail

par Joëlle Maraschin / 23 juillet 2021

Sénateurs et députés sont parvenus à un accord sur le contenu de la proposition de loi visant à renforcer la prévention en santé au travail. En dehors de quelques aménagements, le texte final consacre les principes de départ. Revue de détail.

Clap de fin pour le feuilleton parlementaire de la proposition de loi (PPL) portée par les députées LREM Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean. Le 19 juillet, une commission mixte paritaire (CMP) a permis d’élaborer le texte final de la nouvelle loi, qui entrera en vigueur le 31 mars 2022. Celle-ci intègre une partie des ajustements proposés par le Sénat et réintroduit certaines mesures votées initialement par l’Assemblée nationale.
Comme décidé par les sénateurs, les entreprises de moins de 50 salariés n’auront ainsi pas à élaborer un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Elles devront seulement consigner la liste des actions de prévention dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et ses mises à jour. En revanche, toutes les entreprises devront conserver pendant au moins quarante ans les versions successives de leur DUERP, afin de garantir une traçabilité collective des expositions aux risques. Les documents uniques devront être déposés sur un portail numérique administré par les organisations professionnelles d’employeurs.

Expérimentation

Autre élément proposé par le Sénat et repris par la CMP, les salariés ayant été exposés à des risques dangereux, notamment chimiques, feront l’objet d’une surveillance post-exposition qui ne sera plus conditionnée par leur départ en retraire. La CMP a aussi maintenu l’expérimentation de l’extension du droit de prescription des médecins du travail dans trois régions volontaires. Ces praticiens pourront prescrire ou renouveler un arrêt de travail mais aussi – s’ils justifient d’une formation adéquate en addictologie, allergologie, médecine du sport, nutrition ou douleur – des soins, examens ou médicaments nécessaires « à la prévention de l’altération de la santé du travailleur ou à la promotion d’un état de santé compatible avec son maintien en emploi ».
Dans le même souci affiché de décloisonner santé publique et au travail, le médecin du travail pourra accéder, après accord du salarié, à son dossier médical partagé (DMP) et l’alimenter Le garde-fou introduit par les sénateurs – l’encadrement de la demande d’accès au DMP par une procédure dématérialisée – a cependant été supprimé du texte final. Il est néanmoins précisé qu’un refus du salarié ne pourra pas servir d’argument pour fonder un avis d’inaptitude ou être porté à la connaissance de l’employeur. Les éléments du dossier médical en santé au travail seront aussi versés dans le DMP, là encore sous réserve du consentement du salarié.

« Rendez-vous de liaison »

Disposition votée par l’Assemblée mais supprimée par le Sénat, au motif de ne pas rajouter des visites obligatoires aux médecins du travail, la visite de mi-carrière à 45 ans pour vérifier l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur a été rétablie en CMP. Toujours dans une logique de prévention de la désinsertion professionnelle, un « rendez-vous de liaison » entre le salarié et l’employeur est prévu en cas d’arrêt maladie prolongé, qui associera bien le service de prévention et de santé au travail. Cet entretien, que le salarié est en droit de refuser, est organisé à son initiative ou à celle de l’employeur, afin de l’informer des actions d’accompagnement dont il peut bénéficier.
Les sénateurs avaient aussi voté un certain nombre de dispositions pour mieux encadrer les cotisations et le fonctionnement des services de prévention et de santé au travail (SPST). Ces ajustements ont été repris dans le texte final. S’agissant de la tarification, le montant des cotisations des entreprises sera défini par référence au coût moyen national de l’ensemble socle de services. En cas de dysfonctionnement grave d’un SPST, l’autorité administrative pourra désigner un administrateur provisoire afin de mettre fin aux difficultés constatées.
En dehors de ces ajustements, les principes de la proposition de loi n’ont pas bougé : maintien d’une offre socle de services et d’une offre complémentaire, instauration d’un « passeport prévention » pour tous les salariés, recours à des médecins praticiens correspondants issus la médecine de ville, procédure de certification des SPST… Nombre des dispositions de la loi renvoient à des décrets, lesquels viendront préciser le fonctionnement des futurs SPST et la portée de ce texte sur la santé au travail.

Points d’achoppement

Plusieurs points risquent néanmoins de continuer à cristalliser les critiques de la part des acteurs de prévention. Comme la possible délégation de l’animation et de la coordination de l’équipe pluridisciplinaire en santé au travail à un autre professionnel que le médecin du travail, même si cela se fait sous sa responsabilité. Idem, pour la fusion des associations régionales d’amélioration des conditions de travail (Aract) au sein de l’agence nationale, l’Anact. Une mesure non prévue dans l’accord national interprofessionnel à l’origine de la loi et qui revient à supprimer des outils paritaires d’intervention sur les conditions de travail. Une décision un peu contradictoire pour un texte de loi censé consacrer le rôle des partenaires sociaux dans la prévention des risques professionnels. De quoi alimenter les craintes de certains professionnels de santé au travail ou des parlementaires de gauche quant à une dégradation de la protection de la santé des salariés.