A la reconquête du travail

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François Desriaux rédacteur en chef
/ janvier 2017

C'est encore raté ! Le quinquennat qui s'achève n'aura pas plus que le précédent permis de lancer une politique du travail ambitieuse. Que reste-t-il de la valeur travail chère à Nicolas Sarkozy et que restera-t-il des grandes conférences sociales du début du mandat de François Hollande ? Pas grand-chose, hélas, du point de vue du travail. Selon les enquêtes nationales ou internationales, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à considérer que leur travail s'est dégradé au fil de ces années et qu'il les rend malades1

Droite et gauche sont restées empêtrées dans une logique macroéconomique et comptable, coincées entre la fameuse courbe du chômage à inverser, le coût du travail à réduire et la suppression des contraintes qui pèsent sur l'entreprise. Au rang de ces dernières figurent désormais en bonne place - et c'est assez nouveau, du moins à gauche - les contraintes imposées par la prévention des risques professionnels, par le suivi médical des salariés, voire par le dialogue social et les institutions représentatives du personnel. CHSCT en tête. Qui l'eût cru il y a cinq ans ?

Pourtant, le travail craque de toutes parts. Que ce soit dans l'industrie, les services ou les trois fonctions publiques, les clignotants sont au rouge. Premiers motifs de consultation dans les centres de pathologie professionnelle et dans les services de santé au travail, les risques psychosociaux (RPS) et les troubles musculo-squelettiques (TMS) constituent autant un problème de santé publique qu'un signe majeur de dysfonctionnement des organisations.

A La Poste, à l'hôpital, dans la police ou les organisations complexes du privé, les agents et les salariés se plaignent de ne pas pouvoir faire un travail de qualité, d'être "embolisés" par la bureaucratisation du travail. Un peu partout, les cabinets des médecins généralistes et des psys sont pris d'assaut par des salariés malades d'un travail devenu si intense qu'il envahit toute leur vie. Et si tout cela était lié ? Et si notre compétitivité médiocre, notre niveau de chômage élevé étaient corrélés au "mauvais travail", à ce qui fait souffrir tant de salariés ?

De plus en plus d'experts le pensent, de disciplines et d'horizons différents. Ergonomes et psychologues du travail bien sûr, mais aussi économistes et spécialistes des sciences de gestion et du management2 . Tous prônent un changement de paradigme, où la façon de produire des biens et des services serait au centre des préoccupations, au coeur des choix.

Les confédérations syndicales aussi, qui ont fait du travail un thème central de leurs derniers congrès, de leur action et de leur expression publique3 , ont accompli une mutation profonde.

En définitive, alors que des échéances électorales majeures se profilent, il n'y a guère que les politiques pour se tenir à distance du travail. Il y a des exceptions qui confirment cette règle, heureusement, mais cela reste largement minoritaire, à droite comme à gauche.

Et si le véritable changement en politique consistait à débattre du travail et pas seulement de l'emploi ? Et si ce thème devenait un enjeu incontournable du prochain scrutin ? La santé au travail, la performance économique et sans doute aussi la démocratie ne peuvent qu'y gagner.

  • 1

    Voir "Le travail, invité trop discret de la campagne électorale", pages 6 à 9 de ce numéro.

  • 2

    Lire le portrait de Pierre-Yves Gomez, page 50 de ce numéro.

  • 3

    Voir l'interview d'Hervé Garnier, de la CFDT, page 58 de ce numéro.