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30 ans après sa création le CHSCT doit encore s'imposer

par François Desriaux / octobre 2012

"30 ans, beaucoup de potentiel, mais peut-être encore un peu timoré." C'est ce qu'on écrirait à propos du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans un bilan de compétences. L'institution représentative du personnel créée par les lois Auroux en 1982, et dont on célèbre en cette fin d'année l'anniversaire, a acquis une place de premier ordre dans le paysage des relations sociales de l'entreprise.

Cette évolution, il la doit largement à l'importance prise par les questions de santé et de conditions de travail dans la société et au renforcement du droit de la prévention des risques professionnels.

Sur le papier, le pouvoir de consultation du CHSCT effraie. Pour autant, est-il à la hauteur de cette situation et de ses prérogatives ? La réponse est contrastée, comme le montre l'enquête que nous publions dans ce dossier. Dans de trop nombreux cas, le CHSCT fonctionne en mode dégradé, n'est que le relais de la parole de l'entreprise sur le respect des consignes de sécurité ou sur la détection des personnes en souffrance.

S'imposer comme une vraie instance de représentation et de débat sur le travail et son organisation, porter la parole des salariés sur ces sujets, tels sont les enjeux pour le CHSCT dans les années à venir.

Le CHSCT doit encore s'imposer : ce qu'il faut retenir

octobre 2012

Une institution représentative du personnel ?

  • Depuis sa création en 1982, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a pas toujours été considéré par les employeurs, voire par les équipes syndicales, comme une véritable institution représentative du personnel (IRP), à l'instar du comité d'entreprise par exemple.
  • Il y a tout d'abord sa composition originale, qui échappe au traditionnel face-à-face entre employeur et élus du personnel, avec la participation d'experts comme le médecin du travail ou d'acteurs extérieurs comme l'inspecteur du travail. Cette composition peut accréditer l'idée qu'il s'agit d'une instance plus technique que syndicale. Le fait que la délégation du personnel ne soit pas élue directement par les salariés joue aussi certainement un rôle dans cette image.
  • Pourtant, en trente ans, le CHSCT a gagné sa place dans le paysage des relations professionnelles. Sa composition en fait une institution représentative du personnel spécifique, seule à même de traiter efficacement les questions de santé au travail. Tout repose donc sur la conception de leur rôle qu'ont les représentants du personnel au CHSCT. Sont-ils mandatés pour faire remonter la parole des salariés ? Cela suppose que, au-delà du contrôle du respect des mesures de sécurité, les élus aillent au contact des salariés pour recueillir et défendre leur vision du travail.

Un champ de compétence élargi

  • Dans CHSCT, il y a conditions de travail. Or ce champ d'intervention n'est pas toujours traité comme il le faudrait. Si les questions d'hygiène et de sécurité sont abordées sans difficulté en CHSCT, celles touchant à l'organisation du travail, de la production ou à la gestion du personnel font l'objet de confrontations avec l'employeur. Elles ont pourtant une incidence sur les conditions de travail.
  • Sur ce point, l'évolution de la jurisprudence ces dernières années, avec notamment certaines décisions prises par la Cour de cassation, est venue légitimer et renforcer les prérogatives du CHSCT. Ce dernier est en droit d'être consulté sur des projets aussi divers que la mise en place d'entretiens d'évaluation, une modification d'horaires ou des réductions d'effectifs, dès lors qu'ils ont des effets potentiels sur la santé des salariés. Un avis négatif du CHSCT, s'il est argumenté, peut même aboutir à la suspension d'une réorganisation du travail.
  • Encore faut-il que les élus du personnel puissent s'emparer de ces questions, les situations de travail comme les enjeux de santé qu'elles posent devenant plus complexes. Le CHSCT dispose pour cela de la possibilité de recourir à l'expertise. Sur certains projets, il peut aussi s'appuyer sur le comité d'entreprise, aux fins d'articuler leurs consultations respectives.

Des moyens pas toujours adaptés

  • Le bon fonctionnement du CHSCT repose en grande partie sur les moyens dont disposent les représentants du personnel pour accomplir leur mission. Leur formation, notamment, est décisive. Ciblée sur le contrôle de la réglementation, elle ne permettra pas aux élus de mener l'analyse des situations de travail pourtant nécessaire à leur action. A ce titre, la formation-action en ergonomie menée par des syndicalistes, à Michelin, peut servir d'exemple à suivre. Reste la possibilité de faire des enquêtes, notamment après des accidents, de réaliser des visites sur le terrain, etc. Tout cela sur la base d'heures de délégation parfois limitées.
  • Le débat s'engage donc aujourd'hui sur les moyens supplémentaires dont devraient disposer les CHSCT pour faire face aux évolutions du monde du travail. C'est l'un des objets d'une négociation interprofessionnelle en cours. Dans ce cadre, la question de l'existence de CHSCT dans les plus petites entreprises est posée, de même que la nécessité d'une représentation du personnel mieux coordonnée sur les questions de santé au travail entre donneurs d'ordres et sous-traitants. L'alignement des moyens dont disposent les CHSCT du public sur ceux du privé, la création de CHSCT centraux dans les grands groupes et d'un droit d'alerte sur les modes d'organisation du travail sont autant de pistes proposées par les organisations syndicales.

Quelle stratégie pour plus d'efficacité ?

  • Le CHSCT est devenu incontournable. Il n'a jamais disposé d'autant d'atouts pour mener jusqu'au bout sa mission : préserver la santé des salariés. Cela suppose néanmoins que les représentants du personnel adoptent la stratégie adéquate.
  • Le premier axe, le plus important, est bien de faire du CHSCT un lieu de confrontation et de discussion sur le travail. En allant au-devant des salariés, afin de comprendre, au plus près des situations de travail, comment se jouent les questions de santé, ils pourront en rendre compte dans leurs avis et disposeront ainsi de marges de manoeuvre pour modifier les projets qui leur sont présentés dans le sens de la prévention. D'autant que l'obligation de sécurité de résultat qui s'impose désormais à tout employeur le contraint à tenir compte de tout ce qui peut porter atteinte à la santé des salariés.
  • Le second axe, aussi important, est d'asseoir l'autorité du CHSCT en défendant ses prérogatives. Cela suppose de rester vigilant lors de la création de groupes de pilotage ou paritaires sur les questions de santé au travail, afin de préserver l'autonomie d'action du CHSCT et d'éviter son contournement. Cela suppose aussi de considérer les autres IRP comme des relais et soutiens pour l'exercice des missions du CHSCT.