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Amiante : plainte contre la SNCF

par Eliane Patriarca / 19 novembre 2020

En juillet 2019, Santé & Travail avait révélé cette affaire d’exposition à l’amiante de cheminots au cours d’opérations de maintenance de wagons de fret. Aujourd’hui, c’est le syndicat SUD Rail qui annonce avoir lancé une action en justice contre la SNCF pour mise en danger de la vie d’autrui.

 

La fédération SUD Rail a déposé plainte contre X, le 13 novembre dernier, pour mise en danger de la vie d’autrui. Les vies menacées, ce sont celles des dizaines de cheminots chargés de la maintenance des wagons de fret à la SNCF et exposés, par leur travail, à l’amiante. Un minéral cancérigène interdit en France depuis 1997 et dont l’entreprise ferroviaire était censée s’être totalement débarrassée depuis.
Or en juillet 2018, des cheminots du technicentre de Nîmes ont découvert fortuitement, au cours d’une opération d’entretien sur un wagon à boggie, qu’une pièce d’usure – appelée fourrure de crapaudine – était amiantée. De septembre à octobre 2018, ils en repèrent trois de plus.  Très vite, ils réalisent que le site de Nîmes n’est pas un cas isolé : dans chacun des dix ateliers de maintenance fret répartis sur le territoire français, le même problème se pose.

Matériaux amiantés

Ainsi, sur le site d’Ambérieu-en-Bugey (Ain), comme le révélait Santé & Travail dans un article de juillet 2019, des cheminots ont découvert au début de l’année dernière que des glissoires et des fourrures de crapaudine, pièces qu’ils manipulaient quotidiennement pour effectuer entretien et réparations étaient composées de matériaux amiantés1 . Or, souligne l’avocat de SUD Rail, Me François Lafforgue, « lors des opérations de maintenance, les salariés et intérimaires se servaient de marteaux et de burins pour retirer les fourrures de crapaudine. Pour nettoyer, ils utilisaient une soufflette, et ce jusqu’en 2004-2005, puis un aspirateur à bidon classique. Ces travaux étaient réalisés sans protections adaptées à un travail au contact de l’amiante ».

Une évaluation défaillante

SUD Rail, s’appuyant sur l’expertise réalisée à la demande du CSE par le cabinet Ergonomnia et remise le 28 juin 2019, dénonce « des carences structurelles imputables à l’absence de stratégie de prévention de la SNCF ».
Ergonomnia a relevé des « failles importantes dans le recensement des matériaux amiantés opéré par l’entreprise en 1997 ». « Pourtant, note le cabinet d’expertise, c’est sur la base de cette évaluation défaillante que sera déclinée toute la politique de prévention pendant les vingt années qui vont suivre, et c’est ce qui va conduire à la crise de 2018 et au constat que les agents de maintenance travaillent sans protection sur des wagons contenant de l’amiante depuis tout ce temps. »
Me Lafforgue estime dans sa plainte que « la SNCF et ses hauts responsables n’ont mis en place aucune disposition de protection individuelle ni de formation adaptée des salariés avant les événements intervenus en 2018 », prenant ainsi « le risque délibéré d’exposer l’ensemble du personnel à ces contaminations conduisant à une atteinte d’une extrême gravité ».

 

  • 1Le technicentre d’Ambérieu a été fermé en 2020 par la direction de la SNCF.