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Des assises pour libérer le travail et le travailleur

par Corinne Renou-Nativel / 30 janvier 2018

Attac et la fondation Copernic ont organisé des assises en janvier, afin d’aborder la question de la liberté du travail, non plus du point de vue de l’entreprise, mais de celui des salariés et autres travailleurs. Compte-rendu.

« Macron veut libérer le travail ? Nous aussi ! » C’était l’une des accroches de l’invitation aux Assises pour la liberté du travail, organisées par l’association Attac et la fondation Copernic à la bourse du travail de Paris, le 13 janvier dernier. Entre 350 et 400 personnes ont répondu à l’appel. Mais de quelle liberté était-il question ? « Beaucoup de personnes ne supportent plus le travail tel qu’il existe aujourd’hui, avec ses objectifs chiffrés, ses consignes aberrantes, son reporting, auxquels s’ajoutent parfois le harcèlement et les discriminations, sans compter les scandales sanitaires à répétition, relève l’économiste Thomas Coutrot, ancien porte-parole d’Attac et membre de la fondation Copernic. Certains préfèrent la peste de l’uberisation plutôt que le choléra du salariat, d’où le succès de Macron. » Hors du salariat ou en son sein, la souffrance au travail se répand, avec le souci pour la plupart des travailleurs, malgré tout, de bien s’acquitter des tâches qui leur reviennent. « Les gens se démènent dans leur travail pour lui garder une forme humaine, rapporte Thomas Coutrot. La question posée ici est comment cette énergie sociale dispersée pourrait devenir un mouvement transformateur. »

Recréer du collectif

Au fil de la journée, trois tables rondes se sont succédé, en vue de confronter et renforcer les initiatives prises pour libérer le travail. La première avait pour objet la résistance des salariés et leur pouvoir d’agir au cœur du travail réel.
Porte-parole de l’union syndicale Solidaires, Eric Beynel a plaidé pour une pratique syndicale d’écoute, avec une meilleure circulation de l’information et une formation accrue afin de développer l’action collective. Une démarche pas toujours aisée. Philippe Davezies, chercheur en médecine et santé au travail, a ainsi pointé l’émergence d’une individualisation du rapport au travail, accompagnée d’une multiplication des conflits interpersonnels, qui représente un véritable défi pour les syndicats. Laurence Théry, auteure de l’ouvrage Le travail intenable, a insisté sur l’utilité des recherches-actions menées aux côtés d’équipes syndicales, qui ouvrent des espaces autonomes d’expression et d’élaboration collectives. Codirigeante de Coopaname, Noémie de Grenier a pour sa part vanté le mode de fonctionnement de cette coopérative d’activité et d’emploi, qui permet de concilier autonomie et avantages du salariat.

Qualité du travail, santé et écologie : des enjeux croisés

La deuxième table ronde portait sur les enjeux croisés de qualité du travail, de santé et d’écologie. « Il s’agit de pointer, à partir d’exemples récents, comment les problèmes d’organisation du travail et les difficultés rencontrées dans la production peuvent avoir des répercussions importantes sur l’environnement, pour entrevoir les relations entre ces deux domaines habituellement séparés », explique Julien Lusson, organisateur de la journée et militant d’Attac. Psychologue du travail, Yves Clot est revenu sur le scandale des moteurs truqués chez Volkswagen, évoquant les pressions sur les ingénieurs à qui n’était offert aucun espace de parole. Il constate également une déconnexion croissante entre ce qu’on fait faire aux travailleurs et ce qui importe vraiment pour eux. Pour une prise en compte de l’urgence écologique, l’économiste Geneviève Azam a souligné la nécessité de plus de travail et d’un autre rapport au travail.

Une première étape

Enfin, la troisième table ronde s’est intéressée aux relations entre travail, entreprise et démocratie. Les intervenants ont abordé la question sous différents angles, comme la nécessité de réformer la gouvernance des entreprises et de donner plus de place aux représentants des salariés dans les conseils d’administration. L’analyste du travail Christine Castejon (lire son interview) a rappelé la gravité de la disparition des CHSCT, qui s’accompagne de la perte de l’expérience accumulée par les militants d’entreprise.
Pour Julien Lusson, cette journée n’était qu’une première étape : « Nous souhaitons lui donner un prolongement en réunissant les conditions d’une alliance entre chercheurs, experts, techniciens, militants syndicaux et associatifs afin de mettre en place une enquête permanente sur le travail réel, montrer ce qui s’y joue, les conséquences qu’il peut avoir sur les travailleurs, les entreprises, la démocratie, l’environnement. » A suivre donc.