#BalanceTonConseildel'Ordre

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Mélissa Menetrier, médecin du travail
/ juillet 2018

Le 4 mai dernier, la chambre disciplinaire nationale du Conseil de l'ordre des médecins de Seine-Saint-Denis a condamné la Dre Karine Djemil à six mois d'interdiction d'exercice, dont trois mois ferme. Deux employeurs reprochent à ce médecin du travail d'avoir communiqué ses études de poste à deux salariées, qui les ont ensuite utilisées devant les prud'hommes. Ces études, fondées sur une écoute des salariées, des employeurs et sur l'analyse des conditions de travail, décrivaient des éléments pouvant relever de la qualification de "harcèlement moral et sexuel".

La chambre disciplinaire a qualifié ces rapports de "tendancieux". Or ce jugement sur le fond a été rendu sans qu'il y ait eu d'enquête et sans que les salariées concernées aient été auditionnées. Humiliation suprême, lors de l'instruction, le Conseil de l'ordre a imposé une expertise psychiatrique de la Dre Djemil. Cette tentative de faire passer pour folle cette praticienne simplement consciencieuse a échoué. Plus inquiétant encore pour la mission des médecins du travail, la chambre disciplinaire reproche aussi à la Dre Djemil d'avoir violé le secret médical dans le cadre d'un courrier d'alerte collective faisant état de cas de maltraitance et de harcèlement au travail. Pour ses pairs, signaler qu'un salarié est exposé à un danger serait donc un manquement grave à la déontologie.

Ce jugement constitue un recul par rapport aux écrits du Conseil national de l'ordre de 2015 où il affirmait que "sa formation et ses missions permettent au médecin du travail d'établir un lien entre la santé du salarié, son activité et son environnement professionnel", notamment par la connaissance des conditions de travail, les consultations dispensées à d'autres salariés du collectif de travail et ses échanges avec l'employeur.

Actuellement, la parole se libère sur les violences sexuelles faites aux femmes, qui suscitent des débats de société partout dans le monde. A contre-courant, ce jugement n'incite absolument pas à libérer la parole des médecins du travail sur ce sujet.