Inspection du travail : bilan mitigé sur la prévention des risques psychosociaux

par Anne-Marie Boulet / juillet 2013

Une campagne de contrôle menée sur la prévention des risques psychosociaux dans le médico-social et le commerce de détail montre que ces secteurs, notamment le second, peinent à prendre en charge cette question.

Quelle est la prise en charge des risques psychosociaux (RPS) dans le médico-social et le commerce de détail ? Chargée de décliner en France une campagne européenne sur les RPS initiée par le Comité européen des hauts responsables de l'Inspection du travail, la direction générale du Travail (DGT) a décidé de contrôler ces deux secteurs. "Deux branchesoù les atteintes dans ce domaine sont fréquentes", précise Jessy Pretto, du département de l'Animation de la politique du travail Priorité a été donnée aux petites structures, plus sensibles en termes de RPS. Dans les deux secteurs, trois fois sur quatre, il s'agissait là d'une première intervention des agents de contrôle sur ce thème1

Pour le secteur médico-social - essentiellement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou accueillant des enfants handicapés -, l'enquête fait ressortir que 65 % des 787 structures contrôlées ont à la fois engagé une démarche de prévention et évalué au moins un facteur de risque. Mais à peine plus de 20 % ont aussi mis en place un plan d'action. Le rôle moteur des CHSCT se trouve confirmé, les actions d'évaluation et de prévention étant bien plus fréquentes lorsqu'ils sont actifs et les élus formés. Le médecin du travail, en revanche, n'a été sollicité qu'une fois sur deux dans les démarches de prévention.

En ce qui concerne le commerce de détail, 30 % des 871 magasins contrôlés ont lancé une démarche de prévention, et 15 % seulement y ont associé l'ensemble des salariés de la ligne hiérarchique. Enfin, seuls 10 % ont à la fois entrepris une démarche RPS, évalué ce risque, l'ont retranscrit dans le document unique d'évaluation des risques (DUER) et ont réalisé un plan d'action en lien avec l'organisation du travail. Là aussi, lorsqu'il y a un CHSCT, les actions de prévention sont plus nombreuses.

"Une mise en mouvement significative"

Des résultats peu surprenants. La prévention des RPS n'a pas encore pleinement pris sa place dans celle, plus globale, des risques professionnels. Responsable de la cellule RPS à la DGT, Marianne Richard-Molard se montre néanmoins optimiste : "Depuis les premiers textes réglementaires sur les RPS, en 2002, nous assistons à une mise en mouvement significative sur cette problématique. Au cours de cette campagne, seulement 1 % des contrôles ont donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal pour infraction à la réglementation."

La campagne européenne n'est pas destinée à connaître des suites directes. Mais en France, la direction générale du Travail a décidé d'aider les employeurs du secteur médico-social, "en adaptant à leurs spécificités les outils que nous proposons en matière de RPS", indique Marianne Richard-Molard. Sceptique sur cette campagne2 , le syndicat d'inspecteurs du travail Snutefe-FSU se montre critique. "Les échanges de pratiques et d'expériences entre pays pourraient être intéressants, commente Pierre Mériaux, l'un de ses dirigeants. A condition de mener des enquêtes sur le long terme. Mais le ministère du Travail ne semble pas engager la DGT dans cette démarche. Le plan Sapin envisage de faire travailler l'Inspection du travail ainsi, par campagnes ponctuelles qui donnent la photographie d'une réalité à un instant T. Cela ne relève pas de notre mission. Nous sommes là pour modifier le réel et non le regarder."

  • 1

    Les résultats de l'enquête sont publiés sur le site www.travailler-mieux.gouv.fr

  • 2

    Voir "Tournée d'inspection sur les risques psychosociaux", Santé & Travail n° 80, octobre 2012.