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Comment fonctionne l’alerte du médecin du travail ?

par Mélissa Menetrier, médecin du travail / janvier 2022

Lorsque la santé des salariés est mise à mal, le praticien peut alerter l’employeur afin qu’il prenne des mesures de prévention. C’est un outil dont il ne faut pas hésiter à se servir. Petit vade-mecum illustré.

Pourquoi une alerte ?
C’est l’un des moyens d’action du médecin du travail pour attirer l’attention de l’employeur sur l’existence d’un risque pour la santé des salariés de l’entreprise et sur sa responsabilité, s’il n’agit pas pour y mettre fin. L’alerte par écrit du médecin du travail est définie par l’article L. 4624-9 du Code du travail. Plusieurs modèles de courrier sont disponibles sur le site internet www.souffrance-et-travail.com. Il est recommandé de joindre cette alerte à la fiche d’entreprise définie par l’article R. 4624-46 du Code du travail.

A quel moment ?
Lorsque, grâce aux visites médicales, le médecin du travail constate que plusieurs salariés d’une même entreprise ou d’un même service présentent des problèmes de santé à cause de leurs conditions de travail, il peut lancer son alerte. Le cas le plus fréquent est celui des risques psychosociaux (RPS). L’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail est également en mesure de faire remonter au praticien l’existence d’un risque, par exemple une exposition à des produits chimiques, qu’elle va détecter à l’occasion de déplacements sur site ou d’analyses de postes de travail.

Quel rôle pour les élus du personnel ?
Pour favoriser le déclenchement d’une alerte, les représentants du personnel et notamment les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) ont tout intérêt à prévenir le médecin du travail, quand ils ont connaissance d’un risque ou d’une situation délétère liée à l’organisation du travail. Toutefois, le praticien ne peut engager cette procédure que s’il en a lui-même (ou l’équipe pluridisciplinaire) fait le constat. Aussi, les élus devront convaincre les salariés concernés de demander une visite médicale spontanée.

Les acteurs impliqués
L’employeur doit signaler par écrit aux membres du CSE, ainsi qu’à l’inspecteur du travail, au médecin inspecteur du travail et au contrôleur du service prévention de la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) l’existence d’une alerte et la réponse qu’il lui a apportée. L’employeur est le seul destinataire de l’alerte ; le médecin ne peut la transmettre directement aux autres acteurs. Mais il peut éventuellement leur signaler son action – sans dévoiler le contenu – afin qu’ils puissent rappeler la direction de l’entreprise à son devoir d’information. La fiche d’entreprise – et donc l’alerte qui lui est jointe – est présentée en CSE, en même temps que le bilan annuel. Les élus du personnel ont aussi la possibilité de réclamer une réunion extraordinaire de l’instance représentative.

Une pièce importante pour les salariés
Une copie de l’alerte est rangée dans le dossier médical des travailleurs concernés, pour répondre à l’exigence de traçabilité des expositions. Chacun a donc la possibilité d’y avoir accès, en demandant une copie de son dossier. C’est une pièce importante pour faire valoir éventuellement ses droits devant un tribunal ou pour faire une demande de reconnaissance en maladie professionnelle.

Quel effet sur la prévention ?
Dans son courrier, le médecin du travail peut proposer l’intervention de l’équipe pluridisciplinaire afin d’aider l’entreprise à impulser une démarche de prévention : un psychologue du travail pour mettre en place des groupes d’expression sur l’activité en cas de RPS ; un ergonome pour réfléchir sur un problème d’organisation du travail en cas de troubles musculosquelettiques (TMS) ; un ingénieur hygiène et sécurité pour procéder à un inventaire des produits chimiques et évaluer leur toxicité, etc. Si ces ressources ne sont pas disponibles au sein du service de santé au travail, il peut conseiller de faire appel à des intervenants extérieurs.

Rappel des obligations
L’alerte est un moyen de rappeler à l’employeur sa responsabilité, qui est de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, en mettant en place des actions de prévention, d’information et de formation. Il doit également évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail, via le document unique d’évaluation des risques (DUER).