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La Cour des comptes s’attaque aux risques dans les Ehpad

par Nathalie QUERUEL / 06 octobre 2022

Trois fois plus d’arrêts à cause des accidents du travail et des maladies professionnelles que la moyenne des secteurs d’activité... Les Ehpad ou les services de soins à domicile sont sous le feu des critiques de la Cour des comptes dans un rapport qui appelle un renforcement de la prévention et des effectifs.

C’est ce qui s’appelle mettre les pieds dans le plat. La Cour des comptes, dans un chapitre entier de son Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, publié ce mardi 4 octobre, dresse un constat sévère sur les risques professionnels dans le secteur médico-social. Un secteur dont dépendent un peu plus de 1,1 million de personnes âgées ou handicapées pour vivre, que ce soit chez elles ou en établissement. La fréquence des accidents du travail (AT) et des maladies professionnelles (MP) y « atteint des niveaux hors norme », peut-on lire dans le document. Les salariés des Ehpad et des services à domicile cumulent un nombre de jours d’arrêt de travail, dus aux AT-MP, « trois fois supérieur à la moyenne constatée pour l’ensemble des secteurs d’activité en France », soit 3,5 millions journées d’absence en 2019. Un chiffre qui a presque doublé depuis 2016 (+ 41%).
En dépit des insuffisances dans la remontée des données, pointées par les auteurs, voilà qui donne une idée de l’ampleur des risques professionnels encourus dans ce secteur, qui emploie 730 000 personnes (relire cet article de Santé & Travail)

« Des organisations du travail déstabilisées »

Ce sont dans les structures privées que la situation se détériore le plus : on y recense 9,9 jours d’absence par équivalent temps plein (ETP). Les travailleurs des Ehpad, des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), ainsi que des maisons d’accueil spécialisés (MAS) se révèlent particulièrement touchés.
Au-delà du constat chiffré, le rapport identifie les causes d’une situation jugée alarmante, tant pour la santé et la carrière professionnelle des salariés que pour la qualité des services apportées aux personnes âgées ou handicapées. Les auteurs mettent l’accent sur les problèmes causés par « des organisations du travail déstabilisées » qui exposent « les professionnels du secteur à des risques multiples ». Et de souligner : « Plus le taux d’encadrement d’un Ehpad est proche du ratio d’un agent pour un résident, fixé par le plan solidarité grand âge du 27 juin 2006, moins les arrêts pour accidents du travail ou maladie professionnelle sont nombreux. » Or, aujourd’hui, on en est loin, avec 0,66 salarié par personne accueillie en établissement. De même, dans les services de soins à domicile, le manque de personnel – et notamment d’aides-soignants – rend quasi impossible les interventions à deux chez les usagers, « ce qui serait nécessaire pour réduire l’exposition aux risques ». Et ces difficultés de recrutement ne feront que croître avec les départs à la retraite : 245 000 postes seront à pourvoir d’ici 2030, dont 160 000 aides-soignants.

« Une priorité nationale »

C’est pourquoi, selon les auteurs, les efforts de prévention doivent porter sur l’organisation du travail en priorité, avec le renforcement des effectifs et l’objectif de faire baisser le turn-over. Ils préconisent par ailleurs des investissements dans des matériels adaptés, de même que la formation des salariés. Et pour inciter les employeurs à s’engager dans cette voie, une piste est envisagée : « Tarifer le risque AT-MP des structures médico-sociales en fonction de leur sinistralité », ceci afin de « récompenser les efforts » et « sanctionner les insuffisances ».
D’une manière plus concrète, le rapport propose de s’appuyer sur les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), passés entre les agences régionales de santé, les départements et les directions des structures médico-sociales : cela permettrait de « conditionner les moyens d’accompagnement alloués à l’action de l’établissement en matière de prévention ». La maîtrise des risques professionnels dans le secteur médico-social devrait ainsi être érigée en « priorité nationale », concluent les sages de la rue de Cambon.

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