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Davantage d’AVC chez les bourreaux de travail

par Clotilde de Gastines / 03 juillet 2019

Une étude épidémiologique, menée sur une cohorte de 143 600 personnes, montre que le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) augmente chez les forçats du temps de travail. Notamment chez les moins de 50 ans et ceux qui soutiennent ce rythme plus de dix ans.

Avis aux trentenaires et quadragénaires ! Travailler plus de 10 heures par jour pendant dix ans et plus augmente le risque de survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Une équipe de recherche française vient de publier ces étonnants résultats dans Stroke, une revue américaine de cardiologie, le 1er juillet dernier. « Nous avons tous été surpris », reconnaît Alexis Descatha, professeur en médecine du travail à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a piloté les travaux d’une douzaine de chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et des universités de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et Paris-Saclay.

Comportements de santé modifiés

Ainsi, parmi les 8,7 % des Français qui travaillent plus de 50 heures par semaine, ceux qui tiennent ce rythme au moins 50 jours par an s’exposent à un risque d’AVC plus élevé de 29 % par rapport à celui de leurs collègues. Ceux qui tirent sur la corde durant dix ans et plus ont un risque plus élevé de 45 %. Hommes et femmes sont à égalité face au risque. En revanche, à intensité de travail similaire, le risque de survenue d’un AVC s’accroît davantage chez les moins de 50 ans que chez leurs aînés. « Ce résultat semble plus important chez les jeunes professionnels de moins de 50 ans, probablement parce qu’il est relatif à leurs comportements de santé, précise Alexis Descatha. Entre 20 et 50 ans, une personne qui travaille trop a tendance à modifier ses comportements alimentaires, à faire moins d’exercice physique et parfois à consommer plus de tabac, d’alcool ou de psychotropes, ce qui augmente son exposition au risque. »

« Association significative »

Ces analyses reposent sur des données épidémiologiques longitudinales d’une cohorte représentative de plus de 200 000 Français, baptisée « Constances ». Ceux qui avaient déjà eux un AVC avant de travailler de longues heures ainsi que ceux à temps partiel ont été exclus. Sur le panel de 143 600 patients, 1 224 ont rapporté un AVC (soit 0,9 %), près d’un tiers des temps de travail prolongés et 10,1 % des temps de travail prolongés sur plus de dix ans.
L’équipe a utilisé un modèle statistique qui permet d’évaluer l’association entre temps de travail prolongé et AVC, en fonction de l’âge, du sexe et du type de travail. Les auteurs de l’étude insistent sur l’absence de « lien de causalité démontré entre risque de survenue d’AVC et temps de travail prolongé sur une période égale ou supérieure à dix ans » mais constatent une « association significative » entre les deux.

Soin, logistique, médias

Grâce à l’exploitation de ces données, les auteurs ont pu confirmer les conclusions de l’étude internationale publiée en 2015 dans la revue médicale The Lancet, qui n’intégrait pas de données françaises, et va même plus loin pour identifier les facteurs de risque. La mass data fournie par Constances – qui ouvre un champ de publications très important – a en effet permis de pousser l’analyse sur les secteurs d’activité à risque. Il s’agit des métiers qui s’exercent « en flux tendu » et exposent au travail de nuit ou posté, aux risques psychosociaux, dans le soin, la logistique ou encore les médias. Mais ces risques demeurent « mineurs » par rapport aux risques majeurs que sont le tabagisme, l’état de santé général (hypertension) et les antécédents familiaux.
« En tant que médecin du travail à l’hôpital, ce que j’en retiens pour mes patients, c’est qu’il faut lever le pied, déclare Alexis Descatha. Lors de nos études de médecine, nos maîtres nous répétaient qu’il y a un temps pour tout et que chacun doit prendre en compte cet excès de risque dans la gestion de ses temps de vie. »